< Les cartes graphiques

Les cartes graphiques sont des cartes qui communiquent avec l'écran, pour y afficher des images. Au tout début de l'informatique, ces opérations étaient prises en charge par le processeur : celui-ci calculait l'image à afficher à l'écran, et l'envoyait pixel par pixel à l'écran, ceux-ci étant affichés immédiatement après. Pour simplifier la vie des programmeurs, les fabricants de matériel ont inventé des cartes d'affichage, ou cartes vidéo. Avec celles-ci, le processeur calcule l'image à envoyer à l'écran, la transmet à la carte d'affichage, qui la transmet à l'écran. L'avantage d'une carte d'affichage et qu'elle décharge le processeur de l'envoi de l'image à l'écran. Le processeur n'a pas à se synchroniser avec l'écran, juste à envoyer l'image à une carte d'affichage.

Les cartes graphiques actuelles sont des cartes d'affichage améliorées auxquelles on a ajouté des circuits annexes, afin de leur donner des capacités de calcul pour le rendu 2D et/ou 3D, mais elles n'en restent pas moins des cartes d'affichages. La seule différence est que le processeur n’envoie pas une image à la mémoire vidéo, mais que l'image à afficher est calculée par la carte graphique 2D/3D. Si vous analysez une carte graphique récente, vous verrez que les circuits des premières cartes d'affichage sont toujours là, bien que noyés dans des circuits de calcul ou de rendu 2D/3D.

L'architecture globale d'une carte d'affichage

Une carte d'affichage contient au minium trois circuits : une mémoire vidéo, un circuit de contrôle, un circuit d'interfaçage avec l'écran et un circuit d'interfaçage avec le bus. La mémoire vidéo mémorise l'image à afficher, les deux circuits d'interfaçage permettent à la carte d'affichage de communiquer respectivement avec l'écran et le reste de l'ordinateur, le circuit de contrôle commande les autres circuits et sert de chef d'orchestre pour un orchestre dont les autres circuits seraient les musiciens. Le circuit de contrôle était appelé autrefois le CRTC, car il commandait des écrans dit CRT, mais ce n'est plus d'actualité de nos jours.

Carte d'affichage - architecture.

La carte graphique communique via un bus, un vulgaire tas de fils qui connectent la carte graphique à la carte mère. Les premières cartes graphiques utilisaient un bus nommé ISA, qui fût rapidement remplacé par le bus PCI, plus rapide. Viennent ensuite le bus AGP, puis le bus PCI-Express. Ce bus est géré par un contrôleur de bus, un circuit qui se charge d'envoyer ou de réceptionner les données sur le bus. Les circuits de communication avec le bus permettent à l'ordinateur de communiquer avec la carte graphique, via le bus PCI-Express, AGP, PCI ou autre. Il contient quelques registres dans lesquels le processeur pourra écrire ou lire, afin de lui envoyer des ordres du style : j'envoie une donnée, transmission terminée, je ne suis pas prêt à recevoir les données que tu veux m'envoyer, etc. Il y a peu à dire sur ce circuit, aussi nous allons nous concentrer sur les autres circuits.

Le circuit d'interfaçage électrique se contente de convertir les signaux de la carte graphique en signaux que l'on peut envoyer à l'écran. Il s'occupe notamment de convertir les tensions et courants : si l'écran demande des signaux de 5 Volts mais que la carte graphique fonctionne avec du 3,3 Volt, il y a une conversion à faire. De même, le circuit d'interfaçage électrique peut s'occuper de la conversion des signaux numériques vers de l'analogique. L'écran peut avoir une entrée analogique, surtout s'il est assez ancien.

Les anciens écrans CRT ne comprenaient que des données analogiques et pas le binaire, alors que c'est l'inverse pour la carte graphique, ce qui fait que le circuit d'interfaçage devait faire la conversion. La conversion était réalisée par un circuit qui traduit des données numériques (ici, du binaire) en données analogiques : le convertisseur numérique-analogique ou DAC (Digital-to-Analogue Converter). Au tout début, le circuit d’interfaçage était un DAC combiné avec des circuits annexes, ce qu'on appelle un RAMDAC (Random Access Memory Digital-to-Analog Converter). De nos jours, les écrans comprennent le binaire sous réserve qu'il soit codé suivant le standard adapté et les cartes graphiques n'ont plus besoin de RAMDAC.

Architecture interne d'une carte d'affichage en mode graphique

Il y a peu à dire sur les circuits d'interfaçage. Leur conception et leur fonctionnement dépendent beaucoup du standard utilisé. Sans compter qu'expliquer leur fonctionnement demande de faire de l'électronique pure et dure, ce qui est rarement agréable pour le commun des mortels. Par contre, étudier le circuit de contrôle et la mémoire vidéo est beaucoup plus intéressant. On peut donner quelques généralités particulièrement utiles sur ces deux circuits, qui forment le cœur de la carte d'affichage. Aussi, les deux sections qui suivent seront consacrées à la mémoire vidéo et au circuit de contrôle.

Le circuit de contrôle

Le circuit de contrôle, aussi appelé séquenceur, s'occupe de générer les signaux à destination de l'écran. Pour cela, il doit faire deux choses : lire les pixels à envoyer à l'écran depuis la mémoire vidéo, et générer des signaux de contrôle annexes. Les signaux de contrôle sont variés, sans compter qu'ils sont émis avec des timings bien précis.

Architecture globale d'une carte d'affichage, avec CRTC.

Les anciennes cartes graphiques étaient reliées à des écrans CRT, ce qui fait que le circuit de controle était appelé le CRTC (Cathod Ray Tube Controller) ou contrôleur de tube cathodique. Il gèrait l'affichage sur l'écran proprement dit. Pour résumer ce qu'il faisait, avant de détailler cela dans la suite, les pixels sont affichés les uns après les autres, ligne par ligne, en commençant par le pixel en haut à gauche. Pour cela, il se souvient du prochain pixel à afficher grâce à deux registres : un registre Y pour la ligne, et un registre X pour la colonne. Évidemment, les deux registres sont incrémentés régulièrement afin de passer au pixel suivant et repassent à zéro quand on les incrémente au-delà de leur valeur maximale.

L'envoi des pixels à l'écran

Le câble qui relie la carte graphique à l'écran transmet au mieux un seul pixel à la fois, voire un seul bit à la fois. On ne peut pas envoyer l'image d'un seul coup à l'écran, et on doit l'envoyer pixel par pixel. L'écran traite alors ce flux de pixels de deux manières différentes. Dans le cas le plus intuitif, l'écran accumule les pixels reçus dans une mémoire tampon et affiche l'image une fois qu'elle est totalement reçue. Sinon, l'écran affiche les pixels reçus immédiatement dès leur réception sur l'entrée. Mais il faut envoyer les pixels dans un certain ordre bien précis.

Coordonnées d'un pixel à l'écran.

Rappelons qu'un écran est considéré par la carte graphique comme un tableau de pixels, organisé en lignes et en colonnes. Les écrans LCD sont bel et bien conçus comme cela, c'est plus compliqué sur les écrans CRT, mais cela ne change rien du point de vue de la carte graphique. Chaque pixel est localisé sur l'écran par deux coordonnées : sa position en largeur et en hauteur. Par convention, on suppose que le pixel de coordonnées (0,0) est celui situé tout haut et tout à gauche de l'écran. Le pixel de coordonnées (X,Y) est situé sur la X-ème colonne et la Y-ème ligne. Le tout est illustré ci-contre.

Le balayage progressif de l'écran

La carte graphique doit envoyer les pixels dans un certain ordre, qui est généralement ligne par ligne, colonne par colonne : de haut en bas et de gauche à droite. Cet ordre d'envoi est appelé le balayage progressif. Le balayage progressif est utilisé sur tous les écrans LCD moderne, mais il était plus adapté aux écrans CRT. Sur les écrans plats, l'image transmise à l'écran est affichée une fois qu'elle est intégralement reçue, d'un seul coup. Mais sur les anciens écrans de télévision, les choses étaient différentes. Les vieux écrans CRT fonctionnaient sur ce principe : un canon à électrons balayait l'écran en commençant en haut à gauche, et balayait l'écran ligne par ligne. Ce scan progressif de l'image faisait apparaître l'image progressivement et profitait de la persistance rétinienne pour former une image fixe. L'image était donc affichée en même temps qu'elle était envoyée et le scan progressif correspondait à l'ordre d'allumage des pixels à l'écran.

Intérieur d'un écran CRT. En 1, on voit le canon à électron. En 2, on voit le faisceau d'électron associé à chaque couleur. En 3, les faisceaux d'électrons sont déviés par des électroaimants, pour atterrir sur le pixel à éclairer. En 4, le faisceau d'électrons frappe la surface de l'écran, composée de phosphore, qui s'illumine alors. En 5, on voit que les trois faisceaux ne frappent exactement au même endroit : l'un frappe sur une zone colorée en bleu, l'autre sur du vert, l'autre sur du rouge. Les trois zones combinées affichent une couleur par mélange du rouge, du vert et du bleu. Ne vous trompez pas : le faisceau d'électron n'a pas de couleur, comme indiqué sur le schéma, la couleur a été ajoutée pour faire comprendre qu'un faisceau est dirigé sur les pixels rouges, un autre sur les pixel bleus, et l'autre sur les pixels verts.

Avec le balayage progressif, la carte graphique envoie le pixel (0,0) en premier, puis celui situé à gauche et ainsi de suite. Quand il a fini d'envoyer la ligne de pixel, il descend et reprend à la ligne suivante, tout à gauche. L'ordre de transfert est donc assez simple : ligne par ligne, de gauche à droite. Pour gérer cet ordre de transmission, la carte graphique contient deux compteurs (des circuits qui comptent de 0 à N). Le premier compteur compte pour la coordonnée X et l'autre la coordonnée Y, ce qui leur vaut les noms de compteur de colonne et de compteur de ligne. Les deux compteurs sont initialisés à 0 avant la transmission. De plus, ils sont configurés de manière à prendre en compte la résolution de l'écran. Par exemple, pour une résolution de 640 par 480, le compteur de colonne est configuré pour compter de 0 à 639, alors que l'autre compte de 0 à 479. En clair, leur valeur maximale, celle à laquelle ils s’arrêtent de compter, est égale à la résolution horizontale/verticale. Quand un pixel est envoyé, le compteur de colonne X est incrémenté, afin de pointer sur le pixel suivant. Quand ce compteur dépasse sa valeur maximale, cela signifie qu'il faut changer de ligne. Le compteur de ligne Y est alors incrémenté, afin de passer à la ligne suivante. Quant au compteur de colonne, il est réinitialisé, remis à zéro, afin de balayer la prochaine ligne à partir de la bonne colonne. Ainsi, pour une résolution de 640 par 480, le compteur de colonne est remis à 0 quand on l'incrémente au-delà de 639 : il ne passe alors pas à 640, mais repasse à 0.

La carte graphique doit lire l'image dans la mémoire vidéo pixel par pixel dans l'ordre adéquat, pour obtenir ce balayage ligne par ligne, de gauche à droite. Cela est réalisé par des compteurs, des registres à décalage et quelques circuits. Le contenu des compteurs de ligne et de colonne est combiné avec d'autres informations, de manière à pointer sur le pixel en mémoire vidéo. En clair, l'adresse mémoire du pixel à afficher est calculée à partir de la valeur des deux compteurs, et de l'adresse du premier pixel. Mais le calcul à réaliser dépend de la manière dont l'image est codée en mémoire vidéo. En général, ce codage est des plus simple : l'image est stockée dans ce que les programmeurs appellent un tableau bi-dimensionnel. On peut récupérer un pixel en spécifiant les deux coordonnées X et Y, ce qui est l'idéal. Pour détailler un peu ce tableau bi-dimensionnel de pixels, c'est juste que les pixels consécutifs sur une ligne sont consécutifs en mémoire et les lignes consécutives sur l'écran le sont aussi dans la mémoire vidéo. En clair, il suffit de balayer la mémoire pixel par pixel en partant de l'adresse mémoire du premier pixel, jusqu’à atteindre la fin de l'image.

CRTC et calcul d'adresse.

L'entrelacement

Illustration de l'entrelacement.

La technique du balayage progressif n'avait pas de défauts particuliers, ce qui fait que tous les écrans d’ordinateurs CRT l'utilisait. Mais les télévisions de l'époque utilisaient une méthode différente, appelée l'entrelacement. Avec elle, l'écran faisait un scan pour les lignes paires, suivi par un scan pour les lignes impaires. Le tout est illustré dans l'animation ci-contre.

Illustration de l'entrelacement et de ses effets sur la perception.

L'entrelacement donne l'illusion de doubler la fréquence d'affichage, ce qui est très utile sur les écrans à faible fréquence de rafraîchissement. Pour comprendre pourquoi, il faut comparer ce qui se passe entre un écran à scan progressif non-entrelacé et un écran entrelacé. Avec l'écran non-entrelacé, l'image met un certain temps à s'afficher, qui correspond au temps que met le canon à électron à balayer la totalité de l'écran, ligne par ligne. Avec l'entrelacement, le temps mis pour balayer l'écran est le même, car le nombre de lignes à balayer reste le même, seul l'ordre change.

Sur l'écran entrelacé, l'image s'affiche à moitié une première fois (sur les lignes paires) avant que l'image complète s'affiche. La moitié d'image affichée par l'écran entrelacé a une résolution suffisante pour que le cerveau humain soit trompé et perçoive une image presque complète. En clair, le cerveau verra deux images par balayage complet : une image partielle lors du balayage des lignes paires et une image complète lors du balayage des lignes impaires. Sans entrelacement, le cerveau ne verra qu'une seule image lors de chaque balayage complet.

L'effet est d'autant plus important que la résolution verticale (le nombre de lignes) est important. De plus, l'effet est encore plus important si l'ordinateur calcule un grand nombre d'images par secondes. Par exemple, pour un écran avec une fréquence de rafraîchissement de 60 Hz et un jeu vidéo qui tourne deux fois plus vite (à 120 images par secondes, donc), l'image sur les lignes impaires sera plus récente que celle sur les lignes paires. Le cerveau humain sera sensible à cela et verra une image plus fluide (bien qu'imparfaitement fluide).

L'entrelacement est géré par le circuit de communication avec l'écran, qui s'occupe aussi de la gestion de la lecture de l'image en mémoire vidéo. L'entrelacement demande de lire l'image à afficher une ligne sur deux, donc d’accéder à la mémoire vidéo d'une certaine manière. Gérer l'entrelacement est donc un sujet qui implique l'écran mais aussi la carte d'affichage. Notamment, la lecture des pixels dans la mémoire vidéo se fait différemment. Le compteur de ligne est modifié de manière à avoir une séquence de comptage différente. Déjà, il compte deux par deux, pour sauter une ligne sur deux. De plus, quand il est réinitialisé, il est réinitialisé à une valeur qui est soit paire, soit impaire, en alternant.

Le nombre de lignes est toujours impair (normes analogiques : 625 en Europe, 525 en Amérique), ce qui fait un nombre non entier de lignes pour chacune des 2 trames (impaires et paires). Par exemple, pour 625 lignes cela fait 312,5 lignes par trame. Le balayage vertical étant progressif durant le balayage horizontal, les lignes sont imperceptiblement penchées. À la fin du balayage d'une trame, le rayon se retrouve au milieu de la ligne horizontale, soit un décalage vertical d'une demie-ligne (voir image ci-dessous).

Entrelacement sur tube cathodique.
Entrelacement sur tube cathodique.

La gestion des timings pour la communication avec l'écran

Un autre point important est que la carte graphique ne peut pas envoyer un flux de pixels n'importe quand et doit respecter des timings bien précis. Le flux de pixel envoyé à l'écran est souvent structuré d'une certaine manière, avec des temps de pause, un temps de maintien minimum pour chaque pixel, etc.

Premièrement, l'écran doit être synchronisé avec la carte graphique. Même si cela commence à changer de nos jours, l'écran affiche un certain nombre d'images par secondes, le nombre en question étant désigné sous le terme de fréquence de rafraîchissement. Pour un écran avec une fréquence de rafraîchissement de 60 Hz (60 images par secondes), la carte graphique doit envoyer une nouvelle image tous les (1 seconde / 60) = 16,666... millisecondes. Sur les écrans LCD, la fréquence de rafraîchissement ne dépend pas de la résolution utilisée, en raison de différences de technologie. Sur les anciens écrans CRT, la fréquence de rafraîchissement dépendait de la résolution utilisée, et la carte d'affichage devait alors gérer le couple résolution-fréquence elle-même et la gestion de la fréquence de rafraîchissement était donc plus compliquée.

De plus, il faut tenir compte des timings liés à la transmission de l'image elle-même. La carte graphique doit envoyer les pixels avec des timings tout aussi stricts, qui dépendent du standard vidéo utilisé. Chaque pixel doit être maintenu durant un certain temps bien précis, il y a un certain temps entre la transmission de deux pixels, etc. Et le circuit d’interfaçage doit gérer tout cela.

Enfin, il faut aussi tenir compte d'autres timings, notamment sur les écrans CRT. Sur les écrans CRT, les pixels sont envoyés ligne par ligne et une ligne de pixel n'a pas la même taille suivant la résolution : 640 pixels pour du 640*480, 1280 pour du 1280*1024, etc. La carte graphique doit donc indiquer quand commencent et se terminent chaque ligne dans le flux de pixels. Sans cela, on ne pourrait pas gérer des résolutions différentes.

L'exemple du standard VGA

Pour comprendre quels sont ces timings, prenons l'exemple de l'antique standard VGA. Avec ce standard, il existait un fil H-SYNC pour indiquer qu'on transmettait une nouvelle ligne et un fil V-SYNC pour indiquer qu'on envoie une nouvelle image. Une nouvelle ligne ou image est indiquée en mettant un 0 sur le fil adéquat. De plus, on devait attendre un certain temps entre la transmission de deux lignes, ce qui introduisait des vides dans le flux de pixels. Même chose entre deux images, sauf que le temps d'attente était plus long que le temps d'attente entre deux lignes. Le tout est détaillé dans le schéma ci-dessous, qui détaille le cas pour une résolution de 640 par 480.

Standard VGA : spécification des temps d'attentes entre deux lignes et deux images.

Le circuit de gestion des timings est souvent fusionné avec le circuit qui lit la mémoire vidéo, pour des raisons de simplicité de conception. Et c'est le cas avec le standard VGA. Les deux signaux H-sync et V-sync sont fournit à partir du contenu des deux compteurs de ligne et de colonne vus plus haut. Ils sont synchronisés à une fréquence bien précise, qui détermine le temps mis pour passer d'un pixel à l'autre et d'une ligne à l'autre. Le temps de transmission d'un pixel est de 25,6 µs / 640 = 0,04 µs, ce qui correspond à une fréquence de 25 MégaHertz. Le compteur de colonne est donc cadencé à 25 MHz. Les temps d'attente de 1,54 et 0,64 µs correspondent respectivement à 38 et 16 cycles du compteur. Quant à la durée de 3,8 µs du signal H-sync, elle correspond à 95 cycles. En tout, cela fait 640 + 95 + 16 + 38 = 789. Il faut donc un compteur qui compte de 0 à 788. La transmission des pixels commence quand le compteur commence à compter. Puis, le compteur continue de compter pendant 0,64 µs alors qu'aucun pixel n'est envoyé, afin de gérer le temps d'attente avant le signal H-sync. Puis, au 640 + 16e cycle, le signal H-sync est généré pendant 95 cycles. Enfin, le compteur continue de compter pendant 38 cycles pour le second temps d'attente. Le signal H-sync est donc généré quand le compteur a une valeur comprise entre 656 et 751 : il suffit d'ajouter un comparateur qui vérifie si le compteur est dans cet intervalle, et donc la sortie est à zéro si c'est le cas. La même logique s'applique avec le signal V-sync, mais avec des timings différents, illustrés plus haut.

Circuit de gestion des timings H-sync et V-sync d'un écran VGA.

La configuration du circuit de contrôle par le processeur

La programmation d'une carte d'affichage se fait par en configurant des registres de configuration interne, qui permettent de configurer la résolution, la fréquence d’affichage, la position du curseur de souris, etc. Le processeur a juste à écrire dans ces registres, pour configurer la carte d'affichage comme souhaité.

En général, les registres de configuration sont accessibles directement par le processeur. Quelques adresses mémoire sont détournées et ne servent pas à adresser la mémoire, mais correspondent aux registres de configuration. Ce n'est ni plus ni moins que la technique des entrée-sorties mappées en mémoire que vous connaissez sans doute si vous avez déjà lu un cours d'architecture des ordinateurs. Il y a typiquement une adresse mémoire par registre, le processeur a juste à écrire dans cette adresse pour configurer le registre.

Plus rarement, les registres ne sont pas mappés en mémoire directement, mais sont accessibles par le processeur via une adresse. Le processeur écrit à une adresse précise, associée à la carte graphique. La configuration d'un registre se fait en deux temps : il écrit le numéro du registre à configurer, puis la donnée à écrire. La carte graphique reçoit ces deux informations l'une après l'autre, et les utilise pour configurer le registre elle-même. Le processeur peut souvent lire les registres en question, pour vérifier l'état de la carte graphique. La carte graphique contient parfois un registre d'état qui permet au processeur de savoir si la carte graphique est libre, si une erreur a eu lieu, et laquelle.

Le framebuffer

La mémoire vidéo est nécessaire pour stocker l'image à afficher à l'écran, mais aussi pour mémoriser temporairement des informations importantes. Sur les toutes premières cartes graphiques, elle servait uniquement à stocker l'image à afficher à l'écran. Le terme pour ce genre de mémoire vidéo est : Framebuffer. Au fil du temps, elle s'est vu ajouter d'autres fonctions, comme stocker les textures et les vertices de l'image à calculer, ainsi que divers résultats temporaires.

La taille du framebuffer limite la résolution maximale atteignable. Autant ce n'est pas du tout un problème sur les cartes graphiques actuelles, autant c'était un facteur limitant pour les toutes premières cartes d'affichage. En effet, prenons une image dont la résolution est de 640 par 480 : l'image est composée de 480 lignes, chacune contenant 640 pixels. En tout, cela fait 640 * 480 = 307200 pixels. Si chaque pixel est codé sur 32 bits, l'image prend donc 307200 * 32 = 9830400 bits, soit 1228800 octets, ce qui fait 1200 kilo-octets, plus d'un méga-octet. Si la carte d'affichage a moins d'un méga-octet de mémoire vidéo, elle ne pourra pas afficher cette résolution, sauf en trichant avec les techniques d'entrelacement. De manière générale, la mémoire prise par une image se calcule comme : nombre de pixels * taille d'un pixel, où le nombre de pixels de l’image se calcule à partir de la résolution (on multiplie la hauteur par la largeur de l'écran, les deux exprimées en pixels).

L'organisation du framebuffer

Le framebuffer peut être organisé plusieurs manières différentes, mais deux grandes méthodes se dégagent. La toute première est celui du packed framebuffer, ou encore framebuffer compact. Elle est très intuitive : les pixels sont placés les uns à côté des autres en mémoire. L'image est découpée en plusieurs lignes de pixels, deux pixels consécutifs sur une ligne sont placés à des adresses consécutives, deux lignes consécutives se suivent dans la mémoire.

L'autre organisation est le planar framebuffer, aussi appelé la méthode des bitplanes. Pour la comprendre, prenons le cas où chaque pixel est codé par deux bits. L'organisation planaire va découper l'image en deux : une image qui contient seulement le premier bit pour chaque pixel, et une autre image qui contient seulement le second bit. Chaque image est codée avec un framebuffer compact. Le principe se généralise pour des pixels codés sur N bits, sauf qu'il faudra alors N images.

Exemple de framebuffer planaire, provenant de l'ordinateur soviétique Vector-06c.

Disons-le clairement, la première méthode est la plus simple et la plus intuitive, alors que la seconde n'a pas d'intérêt évident. Son avantage principal est qu'elle gaspille moins de mémoire quand les pixels sont codés sur 3, 5, 6, 7, 9, 11 bits ou tout autre nombre de bits qui n'est pas une puissance de deux. Un autre avantage est que l'on peut modifier un bitplanes indépendamment des autres, ce qui permet de faire certains effets graphiques simplement. C'est leur avantage principal, mais ils ont l’inconvénient que lire un pixel est plus lent. Aussi, ils sont rarement utilisés dans les cartes d'affichage, sauf pour les très anciens modèles qui codaient leurs couleurs sur 3, 5 ou 7 bits.

Un exemple d'utilisation d'un framebuffer' planaire est le standard VGA. Dans sa résolution native de 640 par 480 en 16 couleurs, le framebuffer est de type planaire. Il y a quatre plans de 1 bit chacun, ce qui colle bien avec le fait que chaque couleur est codée sur 4 bits dans cette résolution. De plus, le framebuffer est une mémoire de 256 kibioctets, divisé en 4 banques de 64 kibioctets chacun. Les quatre banques sont accessibles en parallèles, ce qui permet de lire 4 bits en même temps. La raison derrière ce système est avant tout la compatibilité avec le standard d'avant le VGA, l'EGA, qui avait une mémoire limitée à 64 kibioctets.

L'exemple du framebuffer des micro-ordinateurs/console Amiga

Pour donner un exemple d'utilisation de planar framebuffer est l'ancien ordinateur/console de jeu Amiga Commodore. L'Amiga possédait 5 bits par pixel, donc disposait de 5 mémoires distinctes, et affichait 32 couleurs différentes. L'Amiga permettait de changer le nombre de bits nécessaires à la volée. Par exemple, si un jeu n'avait besoin que de quatre couleurs, seule deux plans/mémoires étaient utilisées. En conséquence, tout était plus rapide : les écritures dedans étaient alors accélérées, car on n'écrivait que 2 bits au lieu de 5. Et la RAM utilisée était limitée : au lieu de 5 bits par pixel, on n'en utilisait que 2, ce qui laissait trois plans de libre pour rendre des effets graphiques ou tout autre tache de calcul. Tout cela se généralise avec 3, 4, voire 1 seul bit d'utilisé.

Un sixième bit était utilisé pour le rendu dans certains modes d'affichage.

  • Dans le mode Extra-HalfBrite (EHB), le sixième bit indique s'il faut réduire la luminosité du pixel codé sur les 5 autres bits. S'il est mit à 1, la luminosité du pixel est divisée par deux, elle est inchangée s'il est à 0.
  • En mode double terrain de jeu, les 6 bits sont séparés en deux framebuffer de 3 bits, qui sont modifiés indépendamment les uns des autres. Le calcul de l'image finale se fait en mélangeant les deux framebuffer d'une manière assez précise qui donne un rendu particulier. Les deux framebuffer sont scrollables séparément.
  • Le mode Hold-And-Modify (HAM) interprète les 6 bits en tant que 4 bits de couleur et 2 bits de contrôle qui indiquent comment modifier la couleur du pixel final.

Le codage des pixels dans le framebuffer

Chaque pixel est codé sur un certain nombre de bits, qui dépend du standard d'affichage utilisé. À l'époque des toutes premières cartes graphiques, les écrans étaient monochromes et ne pouvait afficher que deux couleurs : blanc ou noir. De fait, il suffisait d'un seul bit pour coder la couleur d'un pixel : 0 codait blanc, 1 codait noir (ou l'inverse, peu importe). Par la suite, les niveaux de gris furent ajoutés, ce qui demanda d'ajouter des bits en plus.

1 bit 2 bit 4 bit 8 bit

Le cas le plus simple est celui des premiers modes CGA où 4 bits étaient utilisés pour indiquer la couleur : 1 bit pour chaque composante rouge, verte et bleue et 1 bit pour indiquer l'intensité (sombre / clair).

La technique de la palette indicée

Palette indicée. En haut, on a le framebuffer, qui contient les couleurs codées par des nombres. La table de correspondance est donnée au milieu, et l'image finale en bas.

Avec l'apparition de la couleur, il fallut ruser pour coder les couleurs. Cela demandait d'utiliser plus de 1 bit par pixel : 2 bits permettaient de coder 4 couleurs, 3 bits codaient 8 couleurs, 4 bits codaient 16 couleurs, 8 bits codaient 256 couleurs, etc. Chaque combinaison de bit correspondait à une couleur et la carte d'affichage contenait une table de correspondance qui fait la correspondance entre un nombre et la couleur associée. Cette technique s'appelle la palette indicée, la table de correspondance s'appelant la palette.

Palette de l'IBM16.

L'implémentation de la palette indicée demande d'ajouter à la carte graphique une table de correspondance pour traduire les couleurs au format RGB. Elle s'appelait la Color Look-up Table (CLT) et elle est placée immédiatement après la mémoire vidéo. Tout pixel qui sort de la mémoire vidéo est envoyé à la CLT, qui fournit en sortie le pixel coloré. La Color Look-up Table était parfois fusionnée avec le DAC qui convertissait les pixels numériques en données analogiques : le tout formait ce qui s'appelait le RAMDAC.

Au tout début, la Color Look-up Table était une ROM qui mémorisait la couleur RGB pour chaque numéro envoyé en adresse. De ce fait, la table de correspondance était généralement fixée une bonne fois pour toute dans la carte d'affichage, dans un circuit dédié. Mais par la suite, les cartes d'affichage permirent de modifier la table de correspondance dynamiquement. La CLT était alors une mémoire RAM, ce qui permettait de changer la palette à la volée. Les programmeurs pouvaient modifier son contenu, et ainsi changer la correspondance nombre-couleur à la volée.

Des applications différentes pouvaient ainsi utiliser des couleurs différentes, on pouvait adapter la palette en fonction de l'image à afficher, c'était aussi utilisé pour faire des animations sans avoir à modifier la mémoire vidéo. Les applications étaient multiples. En changeant le contenu de la palette, on pouvait réaliser des gradients mobiles, ou des animations assez simples : c'est la technique du color cycling.

Exemples d'animations obtenues avec du color Cycling

Le standard RGB et ses dérivés

Image codée en RGB : l'image est un mélange de trois images : une ne contenant que des nuances de rouge, une des nuances de vert, et la dernière uniquement des nuances de bleu.

La table de correspondance grandit exponentiellement avec le nombre de bits, ce qui fait qu'elle devient rapidement très grande. Au-delà de 8/12 bits, la technique de la palette n'est pas très intéressante. Ce qui fait que le codage des couleurs a dû prendre une autre direction quand la limite des 8 bits fût dépassée. L'idée pour contourner le problème est d'utiliser la synthèse additive des couleurs, que vous avez certainement vu au collège. Pour rappel, cela revient à synthétiser une couleur en mélangeant deux à trois couleurs primaires. La manière la plus simple de faire cela est de mélanger du Rouge, du Bleu, et du Vert. En appliquant cette méthode au codage des couleurs, on obtient le standard RGB (Red, Green, Blue). L'intensité du vert est codée par un nombre, idem pour le rouge et le bleu.

Autrefois, il était courant de coder un pixel sur 8 bits, soit un octet : 2 bits étaient utilisés pour coder le bleu, 3 pour le rouge et 3 pour le vert. Le fait qu'on ait choisi seulement 2 bits pour le bleu s'explique par le fait que l’œil humain est peu sensible au bleu, mais est très sensible au rouge et au vert. Nous avons du mal à voir les nuances fines de bleu, contrairement aux nuances de vert et de rouge. Donc, sacrifier un bit pour le bleu n'est pas un problème. De nos jours, l'intensité d'une couleur primaire est codée sur 8 bits, soit un octet. Il suffit donc de 3 octets, soit 24 bits, pour coder une couleur.

Une autre astuce pour économiser des bits est de se passer d'une des trois couleurs primaires, typiquement le bleu. En faisant cela, on code toutes les couleurs par un mélange de deux couleurs, le plus souvent du rouge et du vert. Vu que l’œil humain a du mal avec le bleu, c'est souvent la couleur bleu qui disparait, ce qui donne le standard RG. En faisant cela, on économise les bits qui codent le bleu : si chaque couleur primaire est codée sur un octet, deux octets suffisent au lieu de trois avec le RGB usuel.

RGB 16 bits RG 16 bits

Le multibuffering et la synchronisation verticale

Sur les toutes premières cartes graphiques, le framebuffer ne pouvait contenir qu'une seule image. L'ordinateur écrivait donc une image dans le framebuffer et celle-ci était envoyée à l'écran dès que possible. Cependant, écran et ordinateur n'étaient pas forcément synchronisés. Rien n’empêchait à l’ordinateur d'écrire dans le framebuffer pendant que l'image était envoyée à l'écran. Et cela peut causer des artefacts qui se voient à l'écran.

Un exemple typique est celui des traitements de texte. Lorsque le texte affiché est modifié, le traitement de texte efface l'image dans le framebuffer et recalcule la nouvelle image à afficher. Ce faisant, une image blanche peut apparaitre durant quelques millisecondes à l'écran, entre le moment où l'image précédente est effacée et le moment où la nouvelle image est disponible. Ce phénomène de flickering; d'artefacts liés à une modification de l'image pendant qu'elle est affichée, est des plus désagréables.

Le double buffering

Pour éviter cela, on peut utiliser la technique du double buffering. L'idée derrière cette technique est de calculer une image en avance et de les mémoriser celle-ci dans le framebuffer. Mais cela demande que le framebuffer ait une taille suffisante, qu'il puisse mémoriser plusieurs images sans problèmes. Le framebuffer est alors divisé en deux portions, une par image, auxquelles nous donnerons le nom de tampons d'affichage. L'idée est de mémoriser l'image qui s'affiche à l'écran dans le premier tampon d'affichage et une image en cours de calcul dans le second. Le tampon pour l'image affichée s'appelle le tampon avant, ou encore le front buffer, alors que celui avec l'image en cours de calcul s'appelle le back buffer.

Double buffering

Quand l'image dans le back-buffer est complète, elle est copiée dans le front buffer pour être affichée. L'ancienne image dans le front buffer est donc éliminée au profit de la nouvelle image. Le remplacement peut se faire par une copie réelle, l'image étant copiée le premier tampon vers le second, ce qui est une opération très lente. C'est ce qui est fait quand le remplacement est réalisé par le logiciel, et non par la carte graphique elle-même. Par exemple, c'est ce qui se passait sur les très anciennes versions de Windows, pour afficher le bureau et l'interface graphique du système d'exploitation.

Mais une solution plus simple consiste à intervertir les deux tampons, le back buffer devenant le front buffer et réciproquement. Une telle interversion fait qu'on a pas besoin de copier les données de l'image. L'interversion des deux tampons peut se faire au niveau matériel. Rappelez-vous que plus haut, nous avions vu qu'il y a un circuit qui détermine l'adresse du pixel à lire à partir de deux compteurs X et Y, ainsi que de l'adresse du premier pixel. L'adresse du premier pixel n'est autre que l'adresse à laquelle commence le front buffer. En changeant cette adresse pour la faire pointer vers l'ancien back buffer, l’interversion se fait automatiquement.

Circuit de contrôle et double buffering

La synchronisation verticale

Lors de l'interversion des deux tampons, le remplacement de la première image par la seconde est très rapide. Et il peut avoir lieu pendant que l'écran affiche la première image. L'image affichée à l'écran est alors composée d'un morceau de la première image en haut, et de la seconde image en dessous. Cela produit un défaut d'affichage appelé le tearing. Plus votre ordinateur calcule d'images par secondes, plus le phénomène est exacerbé.

Tearing (simulé)

Pour éviter ça, on peut utiliser la synchronisation verticale, aussi appelée vsync, dont vous en avez peut-être déjà entendu parler. C'est une option présente dans les options de nombreux jeux vidéo, ainsi que dans les réglages du pilote de la carte graphique. Elle consiste à attendre que l'image dans le front buffer soit entièrement affichée avant de faire le remplacement. La synchronisation verticale fait disparaitre le tearing, mais elle a de nombreux défauts, qui s'expliquent pour deux raisons que nous allons aboder.

Rappelons que l'écran affiche une nouvelle image à intervalles réguliers. L'écran affiche un certain nombre d'images par secondes, le nombre en question étant désigné sous le terme de "fréquence de rafraîchissement". La fréquence de rafraichissement est fixe, elle est gérée par un signal périodique dans l'écran. Par contre, sans Vsync, le nombre de FPS n'est pas limité, sauf si on a activé un limiteur de FPS dans les options d'un jeu vidéo ou dans les options du driver. Avec Vsync, le nombre de FPS est limité par la fréquence de l'écran. Par exemple, si vous avez un écran 60 Hz (sa fréquence de rafraichissement est de 60 Hertz), vous ne pourrez pas dépasser les 60 FPS. Vous pourrez avoir moins, cependant, si l'ordinateur ne peut pas sortir 60 images par secondes sans problème. Un autre défaut de la Vsync est donc qu'il faut un PC assez puissant pour calculer assez de FPS.

Par contre, même avec la vsync activée, l'écran n'est pas parfaitement synchronisé avec la carte graphique. Pour comprendre pourquoi, nous allons faire une analogie avec une situation de la vie courante. Imaginez deux horloges, qui sonnent toutes les deux à midi. Les deux ont la même fréquence, à savoir qu'elles sonnent une fois toutes les 24 heures. Maintenant, cela ne signifie pas qu'elles sont synchronisées. Imaginez qu'une horloge indique 1 heure du matin pendant que l'autre indique minuit : les deux horloges sont désynchronisées, alors qu'elles ont la même fréquence. Il y a un décalage entre les deux horloges, un déphasage.

Eh bien la même chose a lieu, avec la vsync. La vsync égalise deux fréquences : la fréquence de l'écran et les FPS (la fréquence de génération d'image par la carte graphique). Par contre, les deux fréquences sont généralement déphasées, il y a un délai entre le moment où la carte graphique a rendu une image, et le moment où l'écran affiche une image. Cela n'a l'air de rien, mais cela peut se ressentir. D'où l'impression qu'ont certains joueurs de jeux vidéo que leur souris est plus lente quand ils jouent avec la synchronisation verticale activée. Le temps d'attente lié à la synchronisation verticale dépend du nombre d'images par secondes. Pour un écran qui affiche maximum 60 images par seconde, le délai ajouté par la synchronisation verticale est au maximum de 1 seconde/60 = 16.666... millisecondes.

Un autre défaut est que la synchronisation verticale entraîne des différences de timings perceptibles. Le phénomène se manifeste avec les vidéos/films encodés à 24 images par secondes qui s'affichent sur un écran à 60 Hz : l'écran affiche une image tous les 16.6666... millisecondes, alors que la vidéo veut afficher une image toutes les 41,666... millisecondes. Or, 16.666... et 41.666... n'ont pas de diviseur entier commun : une image de film d'affiche tous les 2,5 images d'écran. Concrètement, écran et film sont désynchronisés. Si cela ne pose pas trop de problèmes sans la synchronisation verticale, cela en pose avec. Une image sur deux est décalée en termes de timings avec la synchronisation verticale, ce qui donne un effet bizarre, bien que léger, lors du visionnage sur un écran d'ordinateur. Le même problème survient dans les jeux vidéos, qui ont un nombre d'images par seconde très variable. Ces différences de timings entraînent des sauts d'images quand un jeu vidéo calcule moins d'images par seconde que ce que peut accepter l'écran, ce qui donne une impression désagréable appelée le stuttering.

Pour résumer, les problèmes de la vsync sont liés à deux choses : le nombre de FPS n'est pas nécessairement synchronisé avec le rafraichissement de l'écran, et le déphasage entre ordinateur et écran se ressent.

Le triple buffering et ses dérivés

Diverses solutions existent pour éliminer ces problèmes, et elles sont assez nombreuses. La première solution ajoute un troisième tampon d'affichage, ce qui donne la technique du triple buffering. L'utilité est de réduire le délai ajouté par la synchronisation verticale : utiliser le triple buffering sans synchronisation verticale n'a aucun sens. L'idée est que l'ordinateur peut calculer une seconde image d'avance. Ainsi, si l'écran affiche l'image n°1, une image n°2 est terminée mais en attente, et une image n°3 est en cours de calcul.

Triple buffering

Le délai lié à la synchronisation verticale est réduit dans le cas où les FPS sont vraiment bas comparé à la fréquence d'affichage de l'écran, par exemple si on tourne à 40 images par secondes sur un écran à 60 Hz, du fait de l'image calculée en avance. Dans le cas où les FPS sont (temporairement) plus élevés que la fréquence d'affichage de l'écran, la troisième image finit son calcul avant que la seconde soit affichée. Dans ce cas, la seconde image est affichée avant la troisième. Il n'y a pas d'image supprimée ou abandonnée, peu importe la situation.

Les améliorations de la synchronisation verticale

La technologie Fast Sync sur les cartes graphiques NVIDIA est une amélioration du triple buffering, qui se préoccupe du cas où les FPS sont (temporairement) plus élevés que la fréquence d'affichage de l'écran. Dans ce cas, avec le triple buffering simple, aucune image n'est abandonnée : on a deux images en attente, dont l'une est plus récente que l'autre. La technologie fast sync élimine la première image en attente et de la remplacer par la seconde, plus récente. L'avantage est que le délai d'affichage d'une image est réduit, le temps d'attente lié à la synchronisation verticale étant réduit au strict minimum.

Une autre solution est la synchronisation verticale adaptative, qui consiste à désactiver la synchronisation verticale quand le nombre d'images par seconde descend sous la fréquence de rafraîchissement de l'écran. Le principe est simple, mais il s'agit pourtant d'une technologie assez récente, introduite en 2016 sur les cartes NVIDIA. Notons qu'on peut combiner cette technologie avec la technologie fast sync : cette dernière fonctionne quand les FPS dépassent la fréquence de rafraîchissement de l'écran, alors que la vsync adaptative fonctionne quand les FPS sont trop bas. C'est utile si les FPS sont très variables.

Une dernière possibilité est d'utiliser des technologies qui permettent à l'écran et la carte graphique d'utiliser une fréquence de rafraîchissement variable. La fréquence de rafraîchissement de l'écran s'adapte en temps réel à celle de la carte graphique. En clair, l'écran démarre l'affichage d'une nouvelle image quand la carte graphique le lui demande, pas à intervalle régulier. Évidemment, l'écran a une limite physique et ne peut pas toujours suivre la carte graphique. Dans ce cas, la carte graphique limite les FPS au maximum de ce que peut l'écran. Les premières technologies de ce type étaient le Gsync de NVIDIA et le Free Sync d'AMD, qui ont été suivies par les standards AdaptiveSync et MediaSync.

Les accès concurrents à la mémoire vidéo

Sur les anciens micro-ordinateurs et les anciennes consoles de jeu, la mémoire vidéo était soudée sur la carte mère, à côté du processeur, des circuits vidéos, des circuits audio, etc. Le processeur a sa propre mémoire RAM, séparée de la mémoire vidéo. Tous les systèmes ne fonctionnaient pas ainsi, certains avaient une seule mémoire qui servait à la fois de mémoire vidéo et de mémoire RAM pour le CPU, mais les explications qui vont suivre marchent aussi pour ce genre de systèmes.

Le processeur a accès à la mémoire vidéo. Il peut y écrire les sprites, l'arrière-plan, l'image à afficher, ou bien d'autres choses. La carte d'affichage ou les autres circuits vidéos accédent eux à la mémoire vidéo pour récupérer les pixels à afficher à l'écran. Le processeur comme la carte d'affichage lisent et écrivent dedans, avec cependant une spécificité : le processeur accède à la mémoire vidéo principalement en écriture, alors que la carte d'affichage y accède surtout en lecture. Et il faut éviter que les deux se marchent sur les pieds ! Diverses optimisations visent à faciliter l'accès à la mémoire par deux composants, ici le processeur et la carte d'affichage. Voyons lesquelles.

Les mémoires vidéo double port

Sur les premières consoles de jeu et les premières cartes graphiques, le framebuffer était mémorisé dans une mémoire vidéo spécialisée appelée une mémoire vidéo double port. Par double port, on veut dire qu'elles avaient deux entrée-sorties sur lesquelles on pouvait lire ou écrire leur contenu simultanément.

Le premier port était connecté au processeur ou à la carte graphique, alors que le second port était connecté à un écran CRT. Aussi, nous appellerons ces deux port le port CPU/GPU et l'autre sera appelé le port CRT. Le premier port était utilisé pour enregistrer l'image à calculer et faire les calculs, alors que le second port était utilisé pour envoyer à l'écran l'image à afficher. Le port CPU/GPU est tout ce qu'il y a de plus normal : on peut lire ou écrire des données, en précisant l'adresse mémoire de la donnée, rien de compliqué. Le port CRT est assez original : il permet d'envoyer un paquet de données bit par bit.

De telles mémoires étaient des mémoires dont le support de stockage était organisé en ligne et colonnes. Une ligne à l'intérieur de la mémoire correspond à une ligne de pixel à l'écran, ce qui se marie bien avec le fait que les anciens écrans CRT affichaient les images ligne par ligne. L'envoi d'une ligne à l'écran se fait bit par bit, sur un câble assez simple comme un câble VGA ou autre. Le second port permettait de faire cela automatiquement, en permettant de lire une ligne bit par bit, les bits étant envoyés l'un après l'autre automatiquement.

Pour cela, les mémoires vidéo double port incorporaient un registre capable de stocker une ligne entière. Le registre en question était un registre à décalage, à savoir un registre dont le contenu est décalé d'un rang à chaque cycle d'horloge. Le bit sortant est récupéré sur une sortie du registre, sortie qui était directement connectée au port CRT. Lors de l'accès au second port, la carte graphique fournissait un numéro de ligne et la ligne était chargée dans le tampon de ligne associé à l'écran. La carte graphique envoyait un signal d'horloge de même fréquence que l'écran, qui commandait le tampon de ligne à décalage : un bit sortait à chaque cycle d'écran et les bits étaient envoyé dans le bon ordre.

Le multiplexage temporel des accès mémoire

Les mémoires double port n'étaient pas si rares, mais elles n'étaient pas la solution la plus utilisée. La majorité des micro-ordinateurs et consoles utilisaient une mémoire vidéo normale, simple port, bien plus courante et bien moins chère. Mais il ajoutaient de circuits annexes ou utilisaient des ruses pour éviter que le processeur et la carte d'affichage se marchent sur les pieds. L'idée est de garantir que le processeur et la carte d'affichage n'accèdent pas à la mémoire en même temps. On parle de multiplexage temporel.

Un première mise en œuvre fait en sorte que la moitié des cycles d'horloge de la mémoire soit réservé au processeur, l'autre à la carte d'affichage. En clair, on change d’utilisateur à chaque cycle : si un cycle est attribué au processeur, le suivant l'est à la carte d'affichage. L'implémentation la plus simple utilise une mémoire qui va à une fréquence double de celle du processeur et de la carte d'affichage, les deux étant cadencés à la même fréquence. Un exemple est celui du micro-ordinateur BBC Micro, qui avait une fréquence de 4 MHz avec un processeur à 2 MHz et une carte d'affichage de 2 MHz lui aussi. Les fréquences du CPU et de la carte d'affichage étaient décalées d'une moitié de cycle, ce qui fait que leurs cycles correspondaient à des cycles mémoire différents. Le défaut est que cette technique demande une RAM très rapide, ce qui est un un gros problème.

Une autre solution laissait le processeur accéder en permanence à la mémoire vidéo. La carte d'affichage ne peut pas accéder à la mémoire vidéo quand le CPU écrit dedans, car des circuits annexes désactivent la carte d'affichage quand le processeur écrit dedans. Le micro-ordinateur TRS-80 faisait ainsi. Un défaut de cette méthode est qu'elle cause des artefacts graphiques à l'écran. Des pixels ne sont pas affichés et des écritures processeur trop longues peuvent causer des lignes noires à l'écran.

Enfin, une autre solution utilisait les mécanismes d'arbitrage du bus, qui gèrent les accès concurrents sur un bus. Le processeur et la mémoire sont reliés à la mémoire par le même ensemble de fils, et non par des ports séparés. La carte d'affichage et la mémoire envoient des demandes d'accès mémoire sur le bus, et elles sont ou non acceptées selon l'état de la mémoire. La carte d'affichage a la priorité, ce qui fait que si le processeur lance une demande d'accès à la mémoire pendant que la carte d'affichage y accède, le bus lui envoie un signal indiquant que le bus est occupé. Le processeur se met en attente tant que ce signal est à 1.

L'utilisation de la synchronisation verticale et des périodes de blanking

Une autre idée part du principe que l'affichage d'une image se fait à fréquence régulière. La carte d'affichage accède à la mémoire vidéo durant un certain temps pour envoyer l'image à l'écran, mais la laisse libre le reste du temps. Par exemple, sur un écran à 60 Hz, avec une image accédée toute les 16.66666 millisecondes, la carte d'affichage accède à la RAM vidéo pendant 5 à 10 millisecondes, le reste du temps est laissé au processeur.

De même, il y a un certain temps de libre entre l'affichage de deux lignes, le temps que le canon à électron du CRT se repositionne au début de la ligne suivante. Cela laissait un petit peu de temps au processeur pour changer la configuration de la carte graphique, par exemple pour changer la palette de couleur, changer des sprites, écrire dans la mémoire vidéo, ou tout autre chose. Le tout est très utile pour rendre certains effets graphiques.

Si le processeur sait quand la carte d'affichage affiche une image/ligne à l'écran, il sait quand la mémoire est libre et peut alors accéder à la mémoire vidéo. Reste à indiquer au processeur que la carte d'affichage n'utilise pas la mémoire vidéo. Une solution assez simple utilisait un registre de statut dans la carte d'affichage, qui indiquait si la carte d'affichage affichait une ligne ou non. Avant d’accéder à la mémoire vidéo, le processeur vérifiait ce registre pour savoir si la carte d'affichage faisait quelque chose. Si c'est le cas, il lui laisse la mémoire vidéo. Sinon, le processeur accédait à la mémoire vidéo.

Une autre mise en œuvre utilise une fonctionnalité du processeur appelée les interruptions. Pour rappel, les interruptions sont des fonctionnalités du processeur, qui interrompent temporairement l’exécution d'un programme pour réagir à un événement extérieur (matériel, erreur fatale d’exécution d'un programme…). Lors d'une interruption, le processeur suit la procédure suivante :

  • arrête l'exécution du programme en cours et sauvegarde l'état du processeur (registres et program counter) ;
  • exécute un petit programme nommé routine d'interruption ;
  • restaure l'état du programme sauvegardé afin de reprendre l'exécution de son programme là ou il en était.
Interruption processeur

Les interruptions matérielles, aussi appelées IRQ, sont des interruptions déclenchées par un périphérique et ce sont celles qui vont nous intéresser dans ce qui suit. Les IRQ qui nous intéressent sont générées par la carte graphique quand c'est nécessaire. Pour que la carte graphique puisse déclencher une interruption sur le processeur, on a juste besoin de la connecter à une entrée sur le processeur, appelée l'entrée d'interruption, souvent notée INTR ou INT. Lorsque la carte graphique envoie un 1 dessus, le processeur passe en mode interruption.

Si vous avez déjà lu un cours d'architecture des ordinateurs, vous savez sans doute que les choses sont assez compliquées, qu'un ordinateur moderne contient un contrôleur d'interruption pour gérer les interruptions de plusieurs périphériques, mais nous n'avons pas besoin de parler de tout cela ici. Nous avons juste besoin de voir le cas simple où la carte graphique est connectée directement sur le processeur.

Les cartes graphiques d'antan géraient deux types d'interruptions, qui sont regroupées sous le terme de Raster Interrupt. Grâce à ces interruptions, le processeur sait quand la mémoire vidéo est libre.

  • La première indiquait que la carte graphique a finit d'afficher une image. Elle s'appelle la Vertical blank interrupt (VBI). Elle servait à implémenter la synchronisation verticale.
  • Le second type est l'horizontal blank interrupt, qui indique que l'écran a finit d'afficher une ligne à l'écran, et donc que la mémoire vidééo est libre le temps que le canon à l'électron se mette en place.

La Vertical blank interrupt elle était parfois utilisée pour d'autres choses qui n'ont rien à voir avec l'écran ou le rôle d'une carte graphique. Par exemple, sur les anciens ordinateurs qui ne disposaient pas de timers sur la carte mère, la VBI était utilisée pour timer les échanges avec le clavier et la souris. A chaque VBI, la routine d'interruption vérifiait si le clavier ou la souris avaient envoyé quelque chose à l'ordinateur.

L'horizontal blank interrupt était utilisée pour changer les sprites d'une image ou les repositionner, afin de donner l'illusion que le matériel supporte pus de sprites que prévu. Les programmeurs utilisaient ce genre de ruses pour afficher plus de sprites à l'écran que ne peut en supporter la console. En changeant la position d'un sprite au bon moment, on peut dupliquer ce sprite sur l'image finale. Il est aussi possible de changer la couleur de l'arrière-plan à partir d'une certaine ligne. Et bien d'autres effets graphiques sont rendus possibles grâce à cela.

L'usage de tampons de synchronisation FIFO

Une dernière solution est l'usage de mémoires tampon entre le processeur et la mémoire vidéo. Le processeur n'écrivait pas directement dans la mémoire vidéo, mais dans une mémoire intermédiaire. La mémoire intermédiaire est une mémoire FIFO, à savoir qu'elle mémorise les données à écrire et leur adresse dans leur ordre d'arrivée. Elle sert à mettre en attente les accès mémoire du processeur tant que la mémoire vidéo est occupée.

Ainsi, si la mémoire vidéo est libre, le processeur peut écrire directement dans la mémoire vidéo, sans intermédiaire. Mais si la carte d'affichage accède à la mémoire vidéo, les écritures du processeur sont mises en attente dans la mémoire FIFO. Elles s'accumulent tant que la mémoire vidéo est occupée, elles sont conservées dans l'ordre d'envoi par le processeur. Dès que la mémoire vidéo se libère, les données présentes dans la FIFO sont écrites dans la mémoire vidéo, au rythme d'une écriture par cycle d'horloge de la VRAM : la mémoire FIFO se vide progressivement.

Si la mémoire FIFO est pleine, elle prévient le processeur en lui envoyant un bit/signal, et le processeur agit en conséquence en cessant les écritures et en se mettant en pause.

FIFO d'écriture en mémoire vidéo

Sur les cartes d'affichage, le processeur n'adresse pas la mémoire vidéo directement. A la place, le processeur envoie des données sur le bus, sur le connecteur de la carte d'affichage. La carte d'affichage récupère les données transmises sur le bus et les mets en attente dans une mémoire FIFO assez similaire. Elle les écrit en mémoire vidéo si besoin quand elle est libre. En conséquence, les cartes graphiques modernes n'ont pas besoin de raster interrupts, qui étaient utilisées sur les premiers PC ou les premières consoles. A la place, c'est la carte graphique qui s'occupe de tout, et notamment son circuit de contrôle qui gère la mémoire vidéo. D'ailleurs, c'est ce circuit de contrôle qui gère la synchronisation verticale, pas le processeur, pas besoin de vertical blanking interrupt.

Cet article est issu de Wikibooks. Le texte est sous licence Creative Commons – Attribution – Partage à l’identique. Des conditions supplémentaires peuvent s’appliquer aux fichiers multimédias.