L’histoire de l’Amérique du Sud constitue — des origines à l’heure présente — une tragédie en cinq actes et un prologue qui finit bien et dont l’apothéose terminale se prépare sous nos yeux.
Le prologue, c’est la civilisation précolombienne avec
ses grandeurs, ses mystères et ses étrangetés : siècles
incertains dont il est permis d’espérer que l’archéologie
moderne réussira à préciser quelque peu la succession
et les caractères. Le premier acte est celui de la découverte
et de la conquête ; acte bref, s’il en fut ; les trente
premières années du seizième siècle y suffisent. Puis
viennent la domination et l’exploitation espagnoles ; et
sans doute il eût dû être fait de ces trois cents ans-là un
usage plus noble et plus fécond ; tout n’est pas dit cependant
quand on a stigmatisé les crimes et dénoncé l’obscurantisme.
De 1810 à 1826, c’est ensuite le grand effort
de l’indépendance avec ses péripéties diverses, ses inquiétantes
alternatives, tout le bouillonnement de forces qui
s’ignorent et s’opposent. Le quatrième acte est
long et décevant ; il s’éclaire toutefois lorsqu’au lieu d’une
succession de guerres civiles sans générosité et sans
ampleur, on consent à y apercevoir la querelle presque
ininterrompue de deux principes adverses se disputant le
gouvernement du nouveau monde : le principe fédéraliste
et le principe unitaire ; l’un issu du sol même et rendu
prestigieux par l’exemple encourageant des États-Unis,
l’autre fortifié par les incessants apports de l’action européenne.
La victoire fédéraliste une fois affirmée, le cinquième
acte commence. Les collectivités s’organisent et
progressent à pas rapides. L’avenir est maintenant devant
eux, un avenir tel qu’aucune portion de l’univers n’en a
jamais contemplé de pareil, car nulle part ni à aucun
moment il n’a été fait, dans les possibilités humaines,
une telle part éventuelle à la paix, à la richesse et à la
liberté.