En cette minute dernière
De l’an maudit mil neuf cent deux,
Remontons d’un siècle en arrière
Pour voir un contraste hideux.
Ainsi qu’un astre, la cocarde
Au chapeau du Consul flambait.
— Quelle honte, quand on regarde
L’accordéon du vieux Loubet !
Absous, sans renier ses maîtres,
L’émigré revenait au nid.
— On ne fait plus grâce qu’aux traîtres.
Déroulède est toujours proscrit.
Le traité d’Amiens, quel beau songe !
La paix dans la gloire, à jamais !
— Jaurès veut qu’on passe l’éponge
Sur votre espoir, Strasbourg et Metz !
La foule priait, accourue
Autour de l’Autel relevé.
— On jette les sœurs dans la rue
Et les pauvres sur le pavé.
Sur le drapeau qu’un souffle gonfle,
Le peuple lisait : « Marengo ».
— Aujourd’hui, quand le tambour ronfle,
« Fachoda ! » murmure l’écho.
Qu’il sonnait bien, le sabre courbe
Des chefs d’Arcole et d’Aboukir !
— L’or qu’empile un Juif sale et fourbe,
À présent, fait seul tressaillir.
Les pillages du Directoire
Cessaient, sur des ordres formels.
— On sera doux, veuillez le croire,
Pour les escrocs officiels.
Quoi ? C’est vrai, tant d’ignominie !
C’est dans ce bourbier que roula
La pauvre France à l’agonie !
Après cent ans, elle en est là !
Mais une espérance obstinée
Tourne nos yeux vers l’avenir.
N’est-ce pas, ô nouvelle année,
Que ce cauchemar va finir,
Et que, bientôt, comme en Brumaire,
Quelques soldats, sortis des rangs,
Vont — justice froide et sommaire —
Crosser les reins de nos tyrans ?
31 décembre 1902.