< Cent Proverbes

H. Fournier Éditeur (p. 316).

Je rêvais… Pardonnez, ô beauté souveraine,
Oh ! vous qui de l’esclave avez troublé la paix ;
Je rêvais qu’une autre âme avait senti ma peine,
Et la plaignait du moins… mais, hélas ! je rêvais.

Pendant qu’il récitait ces strophes, la figure de la comtesse avait changé d’expression ; de railleuse elle était devenue tout à coup pensive ; elle garda le silence quelques instants, puis se fit répéter la dernière stance :

— Oh ! oui, certainement, reprit-elle d’un ton de douceur, vous rêviez. Pouvez-vous vous mettre de pareilles chimères dans l’esprit ? Vous êtes jeune, vous paraissez intelligent, vos vers annoncent de la sensibilité ; il faut vous défaire de ces idées extravagantes qui ne feront que troubler votre raison.

— Qu’entends-je, Madame ? Quoi ! vous daigneriez me conseiller, me donner des avertissements, quand tout à l’heure vous ne songiez qu’à vous moquer de moi ! D’où vient ce changement ? Aurais-je eu le bonheur de vous toucher !

— De me…

— De vous plaire, Madame ! Je veux mettre le comble à mon extravagance en vous faisant ma confession tout entière ; mais s’il était vrai qu’un pareil aveu pût ne pas exciter votre colère…

— Qu’entendez-vous par là ? dit-elle en fronçant le sourcil et en jetant sur lui un regard où se peignaient à la fois la défiance et le dédain. Mais elle sentit aussitôt combien il serait ridicule, dans une pareille situation, de témoigner le moindre ressentiment.

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