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Dialogue (Bernier de La Brousse)
Le corps :
- Passons donc à ce coup le fleuve Achérontide,
- Mon âme, qu'attends-tu ? J'ai tracé le chemin :
- Vois-tu point à son bord ce vieillard inhumain
- Qui t'attends de pieds coi dans sa nacelle avide ?
L'âme :
- Quoi, mon corps, que dis-tu ? Des ténèbres cupide,
- Veux-tu, contre le point du gracieux destin,
- Chercher désespéré l'ornement libitin,
- Avant qu'on nous appelle au règne cocytide ?
Le corps :
- Ô mon âme, il le faut, car vivant ici-bas
- Je meurs comme un Titye, et vivant ne meurs pas,
- Mais si un coup mes yeux peuvent voir Rhadamante
- Je régnerai content sous les bois amoureux.
L'âme :
- Oui, mon corps, il est vrai, mais un cœur généreux
- Roidit contre le sort, tant plus il le tourmente.
