< L’Encyclopédie < 1re édition

PHYSIONOMIE, s. f. (Morale.) la physionomie est l’expression du caractere ; elle est encore celle du tempérament. Une sotte physionomie est celle qui n’exprime que la complexion, comme un tempérament robuste, &c. Mais il ne faut jamais juger sur la physionomie. Il y a tant de traits mêlés sur le visage & le maintien des hommes, que cela peut souvent confondre ; sans parler des accidens qui défigurent les traits naturels, & qui empêchent que l’ame ne se manifeste, comme la petite vérole, la maigreur, &c.

On pourroit plutôt conjecturer sur le caractere des hommes, par l’agrément qu’ils attachent à de certaines figures qui répondent à leurs passions, mais encore s’y tromperoit-on.

Physionomie, s. f. (Scienc. imagin.) je pourrois bien m’étendre sur cet art prétendu qui enseigne à connoître l’humeur, le tempérament & le caractere des hommes par les traits de leur visage ; mais M. de Buffon a dit tout ce qu’on peut penser de mieux sur cette science ridicule dans les deux seules réflexions suivantes.

Il est permis de juger à quelques égards de ce qui se passe dans l’intérieur des hommes par leurs actions, & connoître à l’inspection des changemens du visage, la situation actuelle de l’ame ; mais comme l’ame n’a point de forme qui puisse être relative à aucune forme matérielle, on ne peut pas la juger par la figure du corps, ou par la forme du visage. Un corps mal fait peut renfermer une fort belle ame, & l’on ne doit pas juger du bon ou du mauvais naturel d’une personne par les traits de son visage ; car ces traits n’ont aucun rapport avec la nature de l’ame, ils n’ont aucune analogie sur laquelle on puisse seulement sonder des conjectures raisonnables.

Les anciens cependant étoient fort attachés à cette espece de préjugé, & dans tous les tems il y a eu des hommes qui ont voulu faire une science divinatoire de leurs prétendues connoissances en physionomie ; mais il est bien évident qu’elles ne peuvent s’etendre qu’à deviner ordinairement les mouvemens de l’ame, par ceux des yeux, du visage & du corps ; mais la forme du nez, de la bouche & des autres traits, ne fait pas plus à la forme de l’ame, au naturel de la personne, que la grandeur ou la grosseur des membres fait à la pensée. Un homme en sera-t-il moins sage parce qu’il aura des yeux petits, & la bouche grande ? Il faut donc avouer que tout ce que nous ont dit les physionomistes est destitué de tout fondement, & que rien n’est plus chimérique que les inductions qu’ils ont voulu tirer de leurs prétendues observations métoposcopiques. Hist. nat. de l’homme. (D. J.)

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