La Fauvette et le Rossignol
Fables de FlorianLouis Fauche-BorelVolume 9 (p. 154-155).


FABLE XIII

La Fauvette & le Rossignol


      Une fauvette, dont la voix
Enchantoit les échos par sa douceur extrême,
Espéra surpasser le rossignol lui-même,
Et lui fit un défi. L’on choisit dans le bois
Un lieu propre au combat : les juges se placèrent ;
      C’étoient le linot, le serin,
      Le rouge-gorge & le tarin.
Tous les autres oiseaux derrière eux se perchèrent.
Deux vieux chardonnerets & deux jeunes pinsons
Furent gardes du camp ; le merle étoit trompette,
Il donne le signal. Aussitôt la fauvette
      Fait entendre les plus doux sons ;
      Avec adresse elle varie
De ses accents filés la touchante harmonie,
Et ravit tous les cœurs par ses tendres chansons.
L’assemblée applaudit. Bientôt on fait silence ;
      Alors le rossignol commence :
      Trois accords purs, égaux, brillants,
Que termine une juste & parfaite cadence,
      Sont le prélude de ses chants.
      Ensuite son gosier flexible,
Parcourant sans effort tous les tons de sa voix,


Tantôt vif & pressé, tantôt lent sensible,
      Étonne & ravit à la fois.
Les juges cependant demeuroient en balance.
Le linot, le serin, de la fauvette amis,
      Ne vouloient point donner le prix ;
Les autres disputoient. L’assemblée, en silence,
      Écoutoit leurs doctes avis,
Lorsqu’un geai s’écria : Victoire à la fauvettel
      Ce mot décida sa défaite :
      Pour le rossignol aussitôt
L’aréopage ailé tout d’une voix s’explique.

      Ainsi le suffrage d’un sot
      Fait plus de mal que sa critique.

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