< Le Collier des jours
Félix Juven, Éditeur (p. 216-217).




LI




Une fois, en ouvrant le secrétaire, pour y ranger des quittances, tante Lili, remuant des papiers, en tira un parchemin, qu’elle me montra, sur lequel était peint un blason.

— Toi qui fais tant de questions sur nos ancêtres, regarde cela, me dit-elle, ce sont les titres et les armes des Gautier. Le grand-oncle de papa était argentier de Louis XV, et il fut anobli, pour les grands services qu’il rendit dans des moments difficiles. Tu vois, il faut lire comme cela : D’azur, au chevron d’or, accompagné de trois soucis de même. Et la devise est : D’or j’ai soucis », ce qui signifie que le trésorier n’était préoccupé que de l’or qu’il gardait. Surtout ne vas pas dire à grand-père que je t’ai montré cela ; il ne veut pas qu’on en parle, pas plus qu’il ne porte le nom de d’Avençon. Peut-être trouve-t-il que dans sa position de fortune, il vaut mieux paraître un simple roturier… ou bien il ne veut pas, parce qu’il ne veut pas ; tu sais qu’il n’est pas toujours commode, donc : motus !

Il devenait de jour en jour plus exigeant et plus quinteux, le grand-père ; il endurait mal l’altération de sa santé, causée, disait-on par une grave imprudence. Dans un récent voyage, il avait fait un long trajet, la nuit, sur l’impériale d’une diligence, vêtu d’un pantalon et d’une veste de nankin ; il avait pris une fluxion de poitrine, dont il s’était mal guéri.

— Il se croit toujours un jeune homme et ne veut rien entendre, disaient ses filles, parce que son père, qui était un colosse, est mort à plus de cent ans, il s’imagine que rien ne peut l’atteindre. En attendant, il tousse jour et nuit et nous n’avons plus de repos.

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