Les Amours jaunesGlady (p. 181-182).


LE CONVOI DU PAUVRE


(Paris, le 30 avril 1873,
Rue Notre Dame-de Lorette.)


 
Ça monte et c’est lourd — Allons, Hue !
— Frères de renfort, votre main ?…
C’est trop !… et je fais le gamin ;
C’est mon Calvaire cette rue !

Depuis Notre-Dame-Lorette…
— Allons ! la Cayenne est au bout,
Frère ! du cœur ! encor un coup !…
— Mais mon âme est dans la charrette :

Corbillard dur à fendre l’âme.
Vers en bas l’attire un aimant ;
Et du piteux enterrement
Rit la Lorette notre dame…

C’est bien ça — Splendeur et misère ! —
Sous le voile en trous a brillé

 
Un bout du tréteau funéraire ;
Cadre d’or riche… et pas payé.

La pente est âpre, tout de même,
Et les stations sont des fours,
Au tableau remontant le cours
De l’Élysée à la Bohème…

— Oui, camarade, il faut qu’on sue
Après son harnais et son art !…
Après les ailes : le brancard !
Vivre notre métier — ça tue…

Tués l’idéal et le râble !
Hue !… Et le cœur dans le talon !
.   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .
— Salut au convoi misérable
Du peintre écrémé du Salon !

— Parmi les martyrs ça te range ;
C’est prononcé comme l’arrêt
De Rafaël, peintre au nom d’ange,
Par le Peintre au nom de… courbet !



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