LE SOLEIL LOINTAIN.
Quand vous m’avez écrit tout ce que femme ou mère
Écrira de plus doux,
Je me plaignais, Madame, à cette vie amère :
Je lui parlais de vous ;
De vous dont l’esprit pur, dont la grâce rêveuse,
Dont les regards charmants
Ont versé leurs rayons sur moi, pâle couveuse
D’immobiles tourments.
Triste, je demandais à la force voilée.
Qui nous plie à genoux,
Pourquoi, presque divine, ô jeune âme étoilée,
Vous pleurez comme nous.
Elle aussi, lui disais-je, elle aussi, sous ses roses,
Sous ses longs cheveux d’or,
À l’heure où le sommeil assoupit toutes choses,
Demande si l’on dort !
Elle aussi, quand la lune argente sa fenêtre,
Cherche son heure au ciel ;
Et quand tous les plaisirs semblent l’avoir fait naître,
Dit que naître est cruel.
Pourquoi souffler en nous, argile sans pensée,
La pensée et le jour,
Pour nous détruire ainsi, l’âme à tout coup blessée
Par la mort, et l’amour ?
Ô vie ! ô fleur d’orage ! ô menace ! ô mystère !
Ô songe aveugle et beau !
Réponds : ne sais-tu rien en passant sur la terre
Que ta route au tombeau ?
— « Ingrate, a dit la vie, à qui donc l’espérance,
Fruit divin de ma fleur ?
Vous retournerez-vous vers un jour de souffrance,
Dans l’éternel bonheur ?
« Si vous n’entendez pas tant de voix éternelles,
Que sert de vous parler ?
Vos pieds sont las, pliez ! Dieu vous mettra des ailes,
Et vous pourrez voler.
De vos fronts consternés, mères inconsolables,
Les cyprès tomberont,
Quand pour vous emmener, messagers adorables,
Vos enfants descendront.
« Vos sanglots se perdront dans de longs cris de joie,
Quand vous verrez la mort
Bercer aux pieds de Dieu son innocente proie,
Comme un agneau qui dort.
« La mort, qui reprend tout, sauve tout sous ses ailes,
Sa nuit couve le jour.
Elle délivre l’âme, et les âmes entre elles
Savent que c’est l’amour ! »
Ainsi, Madame, allons ! L’augure a trop de charmes
Pour n’être pas certain :
Allons ! Et dans la nuit tournons nos yeux en larmes
Vers le soleil lointain !