Comédie-ballet
ARISTIONE, Princesse, mère d’Ériphile.
ÉRIPHILE, fille de la Princesse.
CLÉONICE, confidente d’Ériphile.
CHORÈBE, de la suite de la Princesse.
IPHICRATE, TIMOCLÈS, amants magnifiques.
SOSTRATE, général d’armée, amant d’Ériphile.
CLITIDAS, plaisant de cour, de la suite d’Ériphile.
ANAXARQUE, astrologue.
CLÉON, fils d’Anaxarque.
UNE FAUSSE VÉNUS, d’intelligence avec Anaxarque.
ACTE Ier
Scène première
Scène II
CLITIDAS, se parlant à lui-même : Paix ! impertinent que vous êtes. Ne savez-vous pas bien que l’astrologie est une affaire d’État, et qu’il ne faut point toucher à cette corde-là ? Je vous l’ai dit plusieurs fois, vous vous émancipez trop, et vous prenez de certaines libertés qui vous joueront un mauvais tour : je vous en avertis ; vous verrez qu’un de ces jours on vous donnera du pied au cul, et qu’on vous chassera comme un faquin. Taisez-vous, si vous êtes sage.
Scène III
Scène IV
Scène V
SECOND INTERMÈDE
La confidente de la jeune Princesse lui produit trois danseurs, sous le nom de pantomimes, c’est-à-dire qui expriment par leurs gestes toutes sortes de choses. La Princesse les voit danser, et les reçoit à son service.
ENTRÉE DE BALLET de trois Pantomimes.
ACTE II
Scène première
Scène II
CLITIDAS fait semblant de chanter : La, la, la, la, ah !
Scène III
Scène IV
Scène V
TROISIÈME INTERMÈDE
Le théâtre est une forêt, où la Princesse est invitée d’aller ; une Nymphe lui en fait les honneurs en chantant, et, pour la divertir, on lui joue une petite comédie en musique, dont voici le sujet. Un berger se plaint à deux bergers ses amis des froideurs de celle qu’il aime ; les deux amis le consolent ; et, comme la bergère aimée arrive, tous trois se retirent pour l’observer. Après quelque plainte amoureuse, elle se repose sur un gazon, et s’abandonne aux douceurs du sommeil. L’amant fait approcher ses amis pour contempler les grâces de sa bergère, et invite toutes choses à contribuer à son repos. La bergère, en s’éveillant, voit son berger à ses pieds, se plaint de sa poursuite ; mais, considérant sa constance, elle lui accorde sa demande, et consent d’en être aimée en présence des deux bergers amis. Deux satyres arrivant se plaignent de son changement et, étant touchés de cette disgrâce, cherchent leur consolation dans le vin.
{{SectionThéâtre|Prologue ( La nymphe de Tempé)}}
Venez, grande Princesse, avec tous vos appas, Venez prêter vos yeux aux innocents ébats Que notre désert vous présente ; N’y cherchez point l’éclat des fêtes de la cour : On ne sent ici que l’amour, Ce n’est que d’amour qu’on y chante.
Scène I
Vous chantez sous ces feuillages, Doux rossignols pleins d’amour, Et de vos tendres ramages Vous réveillez tour à tour Les échos de ces bocages : Hélas ! petits oiseaux, hélas ! Si vous aviez mes maux, vous ne chanteriez pas.
Scène II
LYCASTE
Hé quoi ! toujours languissant, sombre et triste ?
MENANDRE
Hé quoi ! toujours aux pleurs abandonné ?
TIRCIS
Toujours adorant Caliste, Et toujours infortuné.
LYCASTE
Dompte, dompte, berger, l’ennui qui te possède.
TIRCIS
Eh ! le moyen ? hélas !
MENANDRE
Fais, fais-toi quelque effort.
TIRCIS
Eh ! le moyen, hélas ! quand le mal est trop fort ?
LYCASTE
Ce mal trouvera son remède.
TIRCIS
Je ne guérirai qu’à ma mort.
LYCASTE et MENANDRE
Ah ! Tircis !
TIRCIS
Ah ! bergers !
LYCASTE et MENANDRE
Prends sur toi plus d’empire.
TIRCIS
Rien ne me peut secourir.
LYCASTE et MENANDRE
C’est trop, c’est trop céder.
TIRCIS
C’est trop, c’est trop souffrir.
LYCASTE et MENANDRE
Quelle faiblesse !
TIRCIS
Quel martyre !
LYCASTE et MENANDRE
Il faut prendre courage.
TIRCIS
Il faut plutôt mourir.
LYCASTE
Il n’est point de bergère Si froide et si sévère, Dont la pressante ardeur D’un cœur qui persévère Ne vainque la froideur.
MENANDRE
Il est, dans les affaires Des amoureux mystères, Certains petits moments Qui changent les plus fières, Et font d’heureux amants.
TIRCIS
Je la vois, la cruelle, Qui porte ici ses pas ; Gardons d’être vu d’elle. L’ingrate, hélas ! N’y viendrait pas.
Scène III
Ah ! que sur notre cœur La sévère loi de l’honneur Prend un cruel empire ! Je ne fais voir que rigueurs pour Tircis, Et cependant, sensible à ses cuisants soucis, De sa langueur en secret je soupire, Et voudrais bien soulager son martyre. C’est à vous seuls que je le dis : Arbres, n’allez pas le redire.
Puisque le Ciel a voulu nous former Avec un cœur qu’amour peut enflammer, Quelle rigueur impitoyable Contre des traits si doux nous force à nous armer, Et pourquoi, sans être blâmable, Ne peut-on pas aimer Ce que l’on trouve aimable ?
Hélas ! que vous êtes heureux, Innocents animaux, de vivre sans contrainte, Et de pouvoir suivre sans crainte Les doux emportements de vos cœurs amoureux !
Hélas ! petits oiseaux, que vous êtes heureux De ne sentir nulle contrainte, Et de pouvoir suivre sans crainte Les doux emportements de vos cœurs amoureux !
Mais le sommeil sur ma paupière Verse de ses pavots l’agréable fraîcheur ; Donnons-nous à lui toute entière : Nous n’avons point de loi sévère Qui défende à nos sens d’en goûter la douceur.
Scène IV
TIRCIS
Vers ma belle ennemie Portons sans bruit nos pas, Et ne réveillons pas Sa rigueur endormie.
TOUS TROIS
Dormez, dormez, beaux yeux, adorables vainqueurs, Et goûtez le repos que vous ôtez aux cœurs ; Dormez, dormez, beaux yeux.
TIRCIS
Silence, petits oiseaux ; Vents, n’agitez nulle chose ; Coulez doucement, ruisseaux : C’est Caliste qui repose.
TOUS TROIS
Dormez, dormez, beaux yeux, adorables vainqueurs, Et goûtez le repos que vous ôtez aux cœurs ; Dormez, dormez, beaux yeux.
CALISTE
Ah ! quelle peine extrême ! Suivre partout mes pas ?
TIRCIS
Que voulez-vous qu’on suive, hélas ! Que ce qu’on aime ?
CALISTE
Berger, que voulez-vous ?
TIRCIS
Mourir, belle bergère, Mourir à vos genoux, Et finir ma misère. Puisque en vain à vos pieds on me voit soupirer, Il y faut expirer.
CALISTE
Ah ! Tircis, ôtez-vous, j’ai peur que dans ce jour La pitié dans mon cœur n’introduise l’amour.
LYCASTE et MENANDRE, l’un après l’autre.
Soit amour, soit pitié, Il sied bien d’être tendre ; C’est par trop vous défendre : Bergère, il faut se rendre À sa longue amitié : Soit amour, soit pitié, Il sied bien d’être tendre.
CALISTE
C’est trop, c’est trop de rigueur : J’ai maltraité votre ardeur, Chérissant votre personne ; Vengez-vous de mon cœur : Tircis, je vous le donne.
TIRCIS
Ô Ciel ! Bergers ! Caliste ! Ah ! je suis hors de moi. Si l’on meurt de plaisir, je dois perdre la vie.
LYCASTE
Digne prix de ta foi !
MENANDRE
Ô sort digne d’envie !
Scène V
PREMIER SATYRE
Quoi ? tu me fuis, ingrate, et je te vois ici De ce berger à moi faire une préférence ?
DEUXIÈME SATYRE
Quoi ? mes soins n’ont rien pu sur ton indifférence, Et pour ce langoureux ton cœur s’est adouci ?
CALISTE
Le destin le veut ainsi ; Prenez tous deux patience.
PREMIER SATYRE
Aux amants qu’on pousse à bout L’amour fait verser des larmes ; Mais ce n’est pas notre goût, Et la bouteille a des charmes Qui nous consolent de tout.
DEUXIÈME SATYRE
Notre amour n’a pas toujours Tout le bonheur qu’il désire ; Mais nous avons un secours, Et le bon vin nous fait rire, Quand on rit de nos amours.
TOUS
Champêtres divinités, Faunes, dryades, sortez De vos paisibles retraites ; Mêlez vos pas à nos sons, Et tracez sur les herbettes L’image de nos chansons.
En même temps, six Dryades et six Faunes sortent de leurs demeures, et font ensemble une danse agréable, qu i, s’ouvrant tout d’un coup, laisse voir un berger et une bergère, qui font en musique une petite scène d’un dépit amoureux.
DÉPIT AMOUREUX
CLIMÈNE, PHILINTE.
PHILINTE
Quand je plaisais à tes yeux, J’étais content de ma vie, Et ne voyais Roi ni Dieux Dont le sort me fît envie.
CLIMÈNE
Lors qu’à toute autre personne Me préférait ton ardeur, J’aurais quitté la couronne Pour régner dessus ton cœur.
PHILINTE
Une autre a guéri mon âme Des feux que j’avais pour toi.
CLIMÈNE
Un autre a vengé ma flamme Des faiblesses de ta foi.
PHILINTE
Cloris, qu’on vante si fort, M’aime d’une ardeur fidèle ; Si ses yeux voulaient ma mort, Je mourrais content pour elle.
CLIMÈNE
Myrtil, si digne d’envie, Me chérit plus que le jour, Et moi je perdrais la vie Pour lui montrer mon amour.
PHILINTE
Mais si d’une douce ardeur Quelque renaissante trace Chassait Cloris de mon cœur Pour te remettre en sa place ?
CLIMÈNE
Bien qu’avec pleine tendresse Myrtil me puisse chérir, Avec toi, je le confesse, Je voudrais vivre et mourir.
TOUS DEUX ensemble.
Ah ! plus que jamais aimons-nous, Et vivons et mourons en des liens si doux.
TOUS LES ACTEURS DE LA COMÉDIE chantent.
Amants, que vos querelles Sont aimables et belles ! Qu’on y voit succéder De plaisirs, de tendresse ! Querellez-vous sans cesse Pour vous raccommoder. Amants, que vos querelles Sont aimables et belles, etc.
Les Faunes et les Dryades recommencent leur danse, que les Bergères et Bergers musiciens entremêlent de leurs chansons, tandis que trois petites Dryades et trois petits Faunes font paraître, dans l’enfoncement du théâtre, tout ce qui se passe sur le devant.
LES BERGERS et BERGÈRES
Jouissons, jouissons des plaisirs innocents Dont les feux de l’amour savent charmer nos sens.
Des grandeurs, qui voudra se soucie : Tous ces honneurs dont on a tant d’envie Ont des chagrins qui sont vieillissants. Jouissons, jouissons des plaisirs innocents Dont les feux de l’amour savent charmer nos sens.
En aimant, tout nous plaît dans la vie ; Deux cœurs unis de leur sort sont contents ; Cette ardeur, de plaisirs suivie, De tous nos jours fait d’éternels printemps : Jouissons, jouissons des plaisirs innocents Dont les feux de l’amour savent charmer nos sens.
ACTE III
Scène première
QUATRIÈME INTERMÈDE
Huit statues, portant chacune deux flambeaux à leurs main, sortent de leurs niches et font une danse variée de plusieurs figures et de plusieurs belles attitudes où elles demeurent par intervalles. ENTRÉE DE BALLET de huit Statues.
ACTE IV
Scène première
Scène II
VENUS : Princesse, dans tes soins brille un zèle exemplaire,
Qui par les Immortels doit être couronné,
Et pour te voir un gendre illustre et fortuné,
Leur main te veut marquer le choix que tu dois faire :
Ils t’annoncent tous par ma voix
La gloire et les grandeurs, que, par ce digne choix,
Ils feront pour jamais entrer dans ta famille.
De tes difficultés termine donc le cours,
Et pense à donner ta fille
À qui sauvera tes jours.
Scène III
Scène IV
Scène V
CINQUIÈME INTERMÈDE
Quatre pantomimes, pour épreuve de leur adresse, ajustent leurs gestes et leurs pas aux inquiétudes de la jeune Princesse. ÉRIPHILE, ENTRÉE DE BALLET de quatre pantomimes.
ACTE V
Scène première
Scène II
Scène III
Scène IV
SIXIÈME INTERMÈDE
Le théâtre est une grande salle, en manière d’amphithéâtre, ouverte d’une grande arcade dans le fond, au-dessus de laquelle est une tribune fermée d’un rideau ; et dans l’éloignement paraît un autel pour le sacrifice. Six hommes, habillés comme s’ils étaient presque nus, portant chacun une hache sur l’épaule, comme ministres du sacrifice, entrent par le portique, au son des violons, et sont suivis de deux Sacrificateurs musiciens, d’une Prêtresse musicienne et leur suite.
Chantez, peuples, chantez, en mille et mille lieux, Du Dieu que nous servons les brillantes merveilles ; Parcourez la terre et les cieux : Vous ne sauriez chanter rien de plus précieux, Rien de plus doux pour les oreilles.
À ce Dieu plein de force, à ce Dieu plein d’appas Il n’est rien qui résiste.
Il n’est rien ici-bas Qui par ses bienfaits ne subsiste.
Toute la terre est triste Quand on ne le voit pas.
Poussons à sa mémoire Des concerts si touchants, Que du haut de sa gloire Il écoute nos chants.
PREMIÈRE ENTRÉE DE BALLET
Les six hommes portant les haches font entre eux une danse ornée de toutes les attitudes que peuvent exprimer des gens qui étudient leur force, puis ils se retirent aux deux côtés du théâtre pour faire place à six voltigeurs.
DEUXIÈME ENTRÉE DE BALLET
Six voltigeurs font paraître en cadence leur adresse sur des chevaux de bois, qui sont apportés par des esclaves.
TROISIÈME ENTRÉE DE BALLET
Quatre conducteurs d’esclaves amènent en cadence douze esclaves, qui dansent en marquant la joie qu’ils ont d’avoir recouvré leur liberté.
QUATRIÈME ENTRÉE DE BALLET
Quatre femmes et quatre hommes armés à la grecque font ensemble une manière de jeu pour les armes. La tribune s’ouvre. Un héraut, six trompettes et un timbalier se mêlant à tous les instruments, annonce, avec un grand bruit, la venue d’Apollon.
Ouvrons tous nos yeux À l’éclat suprême Qui brille en ces lieux.
Quelle grâce extrême ! Quel port glorieux ! Où voit-on des Dieux Qui soient faits de même ?
Apollon, au bruit des trompettes et des violons, entre par le portique, précédé de six jeunes gens, qui portent des lauriers entrelacés autour d’un bâton, et un soleil d’or au-dessus, avec la devise royale en manière de trophée. Les six jeunes gens, pour danser avec Apollon, donnent leur trophée à tenir aux six hommes qui portent les haches, et commencent avec Apollon une danse héroïque, à laquelle se joignent, en diverses manières, les six hommes portant les trophées, les quatre femmes armées, avec leurs timbres, et les quatre hommes armés, avec leurs tambours, tandis que les six trompettes, le timbalier, les sacrificateurs, LA PRÊTRESSE, et LE CHŒUR de musique accompagnent tout cela, en s’y mêlant par diverses reprises : ce qui finit la fête des jeux Pythiens, et tout le divertissement.
CINQUIÈME et DERNIÈRE ENTRÉE DE BALLET
APOLLON, et six jeunes gens de sa suite. Chœur de musique.
POUR LE ROI, représentant le Soleil.
Je suis la source des clartés, Et les astres les plus vantés, Dont le beau cercle m’environne, Ne sont brillants et respectés Que par l’éclat que je leur donne.
Du char où je me puis asseoir, Je vois le désir de me voir Posséder la nature entière, Et le monde n’a son espoir Qu’aux seuls bienfaits de ma lumière.
Bienheureuses de toutes parts Et pleines d’exquises richesses Les terres où de mes regards J’arrête les douces caresses !
POUR M. LE GRAND, suivant d’Apollon.
Bien qu’auprès du soleil tout autre éclat s’efface, S’en éloigner pourtant n’est pas ce que l’on veut, Et vous voyez bien, quoi qu’il fasse, Que l’on s’en tient toujours le plus près que l’on peut.
POUR LE MARQUIS DE VILLEROI, suivant d’Apollon.
De notre maître incomparable Vous me voyez inséparable, Et le zèle puissant qui m’attache à ses vœux Le suit parmi les eaux, le suit parmi les feux.
POUR LE MARQUIS DE RASSENT, suivant d’Apollon.
Je ne serai pas vain quand je ne croirai pas
Qu’un autre mieux que moi suive partout ses pas.