< Les Heures claires, 1896

chez l’Éditeur Edm. Deman (p. 63-64).

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Le beau jardin fleuri de flammes

Qui nous semblait le double ou le miroir,
Du jardin clair que nous portions dans l’âme,
Se cristallise en gel et or, ce soir.

Un grand silence blanc est descendu s’asseoir
Là-bas, aux horizons de marbre,
Vers où s’en vont, par défilés, les arbres
Avec leur ombre immense et bleue

Et régulière, à côté d’eux.

Aucun souffle de vent, aucune haleine.
Les grands voiles du froid,
Se déplient seuls, de plaine en plaine,
Sur des marais d’argent ou des routes en croix.

Les étoiles paraissent vivre.
Comme l’acier, brille le givre,
À travers l’air translucide et glacé.
De clairs métaux pulvérisés
À l’infini, semblent neiger
De la pâleur d’une lune de cuivre.
Tout est scintillement dans l’immobilité.

Et c’est l’heure divine, où l’esprit est hanté
Par ces mille regards que projette sur terre,
Vers les hasards de l’humaine misère,

La bonne et pure et inchangeable éternité



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