< Les Quarante Médaillons de l’Académie


XXIV


M. VICTOR LAPRADE


Il ressemble un peu par la barbe à M. de Falloux. Il lui ressemble encore par les opinions et la passion politique. C’est la Fusion à l’état de rage. M. Cousin, le philosophe, n’a pas contre l’Empire de meilleur soldat — entendons-nous, verbalement parlant, — que ce poëte, soi-disant chrétien, qui, avant de se jeter dans les fusions politiques, faisait déjà fusionner dans ses vers le christianisme et le paganisme, l’autel des druides et la croix ! M. de Falloux a beaucoup plus de tenue que M. la Prade, qui n’en a pas, lui, beaucoup plus que M. Pelletan… Il débuta dans la Revue des Deux Mondes par un poëme de Psyché, ennuyeux, même à la Revue des Deux Mondes !! C’est phénoménal ! Puis, il se jeta dans des Idylles montagnardes et dans des Poëmes évangéliques. Tout cela l’aurait laissé obscur à Lyon, faisant son cours pour les guides de la Suisse, si l’Académie n’avait voulu recruter une clameur de plus contre l’Empire. Enivré par le succès de sa réception, M. la Prade a payé son entrée à ses maîtres, et il leur a offert le bouquet de ses Satires politiques. L’Évangélique écœurant s’est cru la plume de fer rougi de Juvénal… Le fer rougi n’était qu’un fer à papillotes, qui brûla un peu l’oreille violette, si prompte à la colère, de M. Sainte-Beuve, lequel, raconte-t-on, — mais c’est un renseignement à prendre — apporta un matin à l’Académie un morceau de bois pour répondre au fer. On eut grand’peine à désarmer M. Sainte-Beuve, qui se ressouvenait du parapluie dont il avait, dit-on, menacé un jour M. Villemain, place Saint-Sulpice, en l’appelant « le Thersite de la littérature. » Ce jour-là, M. la Prade en fut quitte pour son frisson, et l’Académie, où il se passe de pareilles choses, pour sa dignité…



Cet article est issu de Wikisource. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.