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ces prétendues intuitions que des hypothèses incertaines comme le mécanisme de Descartes l ; elle se rend prison nière de ses principes, et les faits de nature lui deviennent incompréhensibles 2. Concluons donc que la raison ne sau rait fournir aux raisonnements de la physique un point de départ authentique et irrécusable. Il faut, pour demeu rer raisonnable, qu’elle se soumette à l’expérience : à l’épreuve des faits tombent l’un après l’autre les faux prin cipes que l’homme avait invoqués, et qui se révèlent à l’analyse comme les produits de la coutume ou de l’ima gination 3.

Ainsi le rôle de la raison diminue à mesure que nous nous éloignons de l’abstraction pour entrer directement en contact avec la réalité. Quand nous sommes en présence de la vie, quand nous avons à diriger notre conduite, nous faisons encore appel à la raison ; nous réfléchissons, et nous délibérons. Mais notre réflexion et notre délibération ne sauraient enfermer en elles la vérité ; ici encore, si la raison est capable d’enchaîner des propositions par la vertu démonstrative du raisonnement, elle est incapable d’établir les principes qui doivent servir de base à son raisonne ment. La raison décide des moyens ; mais le but lui échappe : il s’impose du dehors, et malgré elle 4. L’homme ne délibère jamais sur la fin ; car cette fin n’est pas ma tière à délibération, elle est ce qui se sent immédiate ment, sans art et sans réflexion, elle est le bonheur 6. Mais au moins la raison peut-elle espérer qu’elle saura


i. Fr. 78.

a. Fr. a3i.

3. Fr. 89 et 233.

4. Fr. 98.

5. Fr. 4^5.

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