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qu’ils demeurent attachés à la justice. Pascal a entendu leurs doutes et leurs objections.

Si une seule chose est nécessaire, qui est le salut éter nel, comment est réparti le salut ? Comment les uns ont ils mérité, et les autres ont-ils démérité ? C’est un crime de ne pas être sauvé, et ce sera le châtiment des réprouvés de se sentir condamnés par cette même raison sur laquelle leur orgueil avait fait fond 1. Mais « les élus ignoreront leurs vertus 2 )) : leur piété est l’œuvre continue, l’œuvre exclusive de la grâce que Dieu s’est réservé de donner selon sa mys térieuse et imprévisible volonté ? Il est donc impossible de découvrir la justice dans la conduite de Dieu vis-à-vis des hommes. Non seulement dans l’éternité, l’inégalité de récompense ou de châtiment ne correspond pas à l’inéga lité des mérites ; mais puisqu’en définitive les hommes sont incapables de mérite, nous ne comprenons plus pour quoi il y aurait récompense ni pourquoi il y aurait châti ment, pourquoi « de deux hommes également coupables, il (Dieu) sauve celui-ci, et non pas celui-là 3. » L’idée de justice ne subsiste donc plus dans notre esprit que pour nous conduire à l’alternative que Pascal pose sans trem bler : « il faut que nous naissions coupables, ou Dieu serait injuste 4. »

Seulement la possibilité même de cette alternative sup pose que nous avons le droit déjuger au nom de la justice ; les hommes l’admettent naïvement parce qu’ils se détour nent de leur nature pour soulever des questions qui les dépassent. Ils croient à la justice, sur le témoignage,


i. Fr. 503.

a. Fr. 5i5.

3. Lettre sur les Commandements de Dieu,, sito fm,

4. Fr. 48q.

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