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— Achetée, dit ma grand’mère, qui ne concevait rien à l’exaspération de Benjamin. Il n’y a plus moyen de s’en dédire, le paysan est en bas qui attend son argent.

— Eh bien ! allez-vous-en au diable ! s’écria Benjamin en jetant le rouleau par la chambre, vous et… c’est-à-dire, pardon, ma chère sœur, pardon, non ; n’allez pas au diable, c’est trop loin, mais allez reporter votre toile au marchand ; je n’ai pas d’argent pour la payer.

— Et l’argent que tu as reçu ce matin de M. de Cambyse ? fit ma grand’mère.

— Mon Dieu, cet argent n’est pas à moi, M. de Cambyse me l’a donné de trop.

— Comment, de trop ? reprit ma grand’mère, regardant Benjamin avec des yeux ébahis.

— Eh bien ! oui, de trop, ma sœur, de trop, entendez-vous, de trop ; il m’envoie cinquante écus pour une opération de vingt francs ; comprenez-vous à cette heure ?

— Et tu es assez niais pour lui renvoyer son argent ? Si mon mari m’avait fait un pareil tour !…

— Oui, j’ai été assez niais pour cela ; que voulez-vous, tout le monde ne peut pas avoir l’esprit que vous exigez de Machecourt ; j’ai été assez niais pour cela et je ne m’en repens pas ; je ne veux pas me faire charlatan pour vous plaire. Mon Dieu ! Mon Dieu ! qu’on a de peine ici-bas pour rester honnête homme ! vos plus proches et vos plus chers sont pourtant les premiers à vous induire en tentation.

— Mais, malheureux, tu manques de tout, tu n’as plus une paire de bas de soie qui soit mettable, et tandis que je raccommode tes chemises d’un côté, elles tombent en loques de l’autre.

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