< Page:Œuvres de C. Tillier - I.djvu
Cette page n’a pas encore été corrigée

lourde croix que Dieu a imposée à la société. Aujourd’hui

je suis pamphlétaire, pamphlétaire qui a la dent un peu aiguë et dont aucuns portent les cicatrices ; mais je ne dirai jamais de la société autant de mal qu’elle m’en a fait.

« Avant donc d’être soldat, j’étais maître d’études

···················


Or, de tous les valets le plus malheureux, c’est sans contredit le maître d’études. J’ai marché, moi, quelque temps dans ce rude chemin, et pour beaucoup je ne voudrais y repasser. Je me rappelle encore avec effroi combien je me trouvais à plaindre, quand, mon bouquet de rhétorique au côté, comme un domestique à la Saint-Jean, j’allais offrir mes services aux revendeurs grec et de latin de la capitale ; combien j’en voulais à mon père de ne pas m’avoir fait une place à son établi !… J’avais dix-neuf ans : vous voyez que c’est commencer de bonne heure à souffrir. Et encore, ce morceau de pain que trouve un mendiant, ce n’était pas sans peine que j’étais parvenu à me le procurer. Depuis un mois je battais le pavé de Paris avec ma grand’mère ; nous avions exploré les faubourgs jusqu’à leur extrémité la plus reculée ; nous avions heurté à toutes les portes des institutions connues de l’Almanach royal ; mais ma grand’mère avait beau dire que j’avais fait toutes mes classes et même que j’avais eu un accessit en philosophie, mes malencontreux dix-neuf ans étaient pour tous un vice rédhibitoire : partout on nous congédiait avec cette terrible phrase : « Nous n’avons besoin de personne. » Il y eut même un facétieux chef d’institution qui eut l’air de me prendre pour un élève qu’on lui amenait.

« Enfin ma grand’mère me trouva un coin dans une institution, avenue de Lamothe-Piquet, entre les Invalides et l’École militaire, tout juste vis-à-vis une pension de chiens savants, auxquels on enseignait à rapporter et à donner la patte… »

    Cet article est issu de Wikisource. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.