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paille ; le lendemain, il soupe dans un palais où les plus grandes dames tiennent à honneur de le servir. Il connaît toutes les vicissitudes, vit toutes les vies. Mais, si tu as un jour l’honneur de porter l’uniforme, souviens-toi, mon enfant, que le devoir d’un soldat est de protéger la veuve et l’orphelin et d’épargner l’ennemi vaincu. Celui qui te parle a servi sous Napoléon le Grand. Hélas ! voilà déjà plus de trente ans que le dieu des batailles a quitté la terre ; et personne après lui n’est capable de conduire nos aigles à la conquête du monde. Enfant, ne te fais pas soldat !

Il me repoussa doucement et, se tournant vers ma mère, reprit la conversation interrompue.

— Oui, une installation modeste. Quelque chose comme le logis d’un garde-chasse… C’est donc une affaire décidée, et je puis, grâce à toi, ma chère Antoinette, réaliser mes vœux les plus chers. Au terme d’une vie agitée et pleine de traverses, je goûterai le repos. Il me faut si peu pour vivre ! J’ai toujours souhaité de finir mes jours dans la paix des champs.

Il se leva, baisa galamment la main de ma mère, m’adressa un signe de tête affectueux et

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