jalouse de l’amour que je donnais à ma vieille bonne et, si cet amour n’était pas aussi grand, aussi auguste que celui que je gardais à ma mère, il était plus tendre peut-être, et certes plus intime.
Mélanie avait un cœur aussi simple que le mien et nous étions tout près l’un de l’autre par la brièveté de la pensée. Mélanie, déjà vieille quand je naquis, n’était pas gaie ; elle ne pouvait l’être, ayant vécu une dure vie ; mais sa radieuse innocence lui tenait lieu de jeunesse et de gaîté.
Autant et plus que ma mère elle-même Mélanie forma mon langage. Je n’ai pas à le regretter ; tout ignorante qu’elle était, elle parlait bien.
Elle parlait bien puisqu’elle disait les mots qui persuadent et les mots qui consolent. Quand, en tombant sur le sable, je m’étais écorché les genoux ou le bout du nez, elle prononçait les paroles qui guérissent. Si je lui faisais un petit mensonge, si devant elle je montrais un sentiment égoïste, si je me mettais en colère, elle prononçait les paroles qui redressent, fortifient, apaisent les cœurs. Je lui dois le fondement de mes idées morales ; et ce