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respect de la mort avec le sentiment de la

justice.

Mis en possession des biens du défunt, les héritiers firent opérer divers changements dans la maison, et ma mère obtint que notre appartement fût remanié et rafraîchi. Par une meilleure distribution et en supprimant des cabinets noirs et des placards, on constitua une petite pièce de plus, qui devint ma chambre. Jusque-là, je couchais, soit dans un cabinet attenant au salon et trop étroit pour qu’on pût en tenir la porte fermée pendant la nuit, soit dans le cabinet des robes déjà encombré de meubles, et je travaillais sur la table de la salle à manger. Justine interrompait sans respect mes travaux pour mettre le couvert et la substitution des plats, des assiettes et de l’argenterie, aux livres, aux cahiers et à l’encrier, ne s’opérait jamais sans trouble. Dès que j’eus une chambre, je ne me reconnus plus. D’enfant que j’étais la veille, je devins un jeune homme. Mes idées, mes goûts s’étaient formés en un moment. J’avais une manière d’être, une existence propre.

De ma chambre, la vue n’était ni belle ni étendue ; elle donnait sur une cour de service.

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