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l’histoire. Si la chose est vraie, tout porte à croire qu’en dépit des Bénédictins de la congrégation de Saint-Maur, qui ont inventé l’art de vérifier les dates, l’histoire est pour le moins borgne. Et j’ajouterai que c’est son moindre défaut. Clio, la muse Clio est une personne d’allure grave et même quelquefois un peu sévère, dont la parole instruit (à ce qu’on prétend), intéresse, émeut, amuse ; on l’écouterait volontiers toute la journée. Mais je me suis aperçu, pour l’avoir assidûment fréquentée, qu’elle se laissait surprendre trop souvent oublieuse, vaine, partiale, ignorante et menteuse. Malgré ses travers, je l’ai beaucoup aimée et je l’aime encore. Ce sont les seuls liens qui m’attachent à cette muse. Elle n’a rien à retenir de mon enfance, ni du reste de ma vie. Je ne suis point, par bonheur, un personnage historique, et cette hautaine Clio ne

recherchera jamais si je touchais au commencement, au milieu ou à la fin de ma troisième année quand je donnai de mon caractère un signe qui frappa profondément ma mère.

J’étais alors un petit garçon très ordinaire, de qui la seule originalité, si je ne me trompe, était une disposition à ne pas croire tout ce

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