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HOMAÏ


« Ne me fais pas de mal, ô compagne étrangère !
À quoi bon me trahir ? je veux ce que tu veux,
Et mon esprit n’est plus qu’une essence légère
Qui se mêle en riant au nard de tes cheveux.

« Ne me fais pas de mal ! mon salut et ma perte
Sont deux enfants jumeaux couchés dans tes bras nus,
Et ma vie et ma mort sur ta lèvre entr’ouverte
Tiennent conseil. Pourquoi tes pieds sont-ils venus ?

« Dis-moi ton nom : qu’il soit plus doux à mon oreille
Que le bruit d’une source au fond des déserts blancs ! »
La vierge alors parla ; sa voix sonnait, pareille
Au vent frais du matin dans les rosiers tremblants :

« Dans les jardins d’Irân, parmi les tubéreuses,
Naguère on me nommait Homaï, l’oiseau clair ;
Mais je veux, étranger, de tes lèvres heureuses
Recevoir le seul nom qui me restera cher.

« Pourquoi je suis venue ? Et pourquoi les étoiles
Viennent-elles au ciel fidèlement le soir ? »
Elle mêla ces mots au frisson de ses voiles,
Et sur la toison fauve alla tout droit s’asseoir.

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