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ma mère que dans l’esprit de ceux qui ne connaissent point combien je suis à plaindre. »

Ces derniers mois ne pouvaient que m’inspirer une extrême curiosité. Je priai cent fois Sylvie de vouloir m’apprendre quel était son sort ; je lui demandai autant de fois pardon d’une offense qu’un amour trop violent m’avait fait faire. Après plus d’une heure de prières et de soumission, je veux bien, dit-elle, achever de mettre ma destinée entre vos mains : le ciel m’a condamnée à y abandonner mon cœur malgré moi ; je dois vous rendre le maître du reste. Vous me reconduirez au sortir de la comédie ; ma mère ne reviendra que long-temps après moi ; elle joue dans la petite pièce, et nous sortirons dès que la tragédie sera finie. Voici ce qu’elle m’apprit, lorsque je l’eus conduite chez elle.

« Vous me voyez aujourd’hui comédienne ; mais je suis née fille d’un gentilhomme. L’astre fatal qui a présidé à ma naissance a influé sur tout le reste de ma vie. Mon père était de Normandie ; il s’appelait du Tremblai, et était d’une très-ancienne maison. Son père l’envoya à Saint-Malo pour quelques affaires de famille, qui l’arrêtèrent plus qu’il ne pensait. Il logeait chez un pauvre officier réformé

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