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la mort de ma mère, s’était laissée enlever par un officier qui lui avait promis de l’épouser. Elle le suivit à Paris, où son amant la quitta ; elle n’osa plus retourner au logis, et, n’ayant point d’argent, elle se vit obligée de donner dans des travers infinis.

» Elle était jeune et jolie ; elle eut bientôt une foule d’adorateurs ; elle n’en u refusait aucun, et, dans deux ou trois ans, elle amassa près de dix mille écus de nippes ou de bijoux. Elle se ménageait si peu que M. Hérault[1] fut obligé de la faire arrêter.

» Comme elle avait changé de nom, ma mère ne put jamais avoir aucune de ses nouvelles. Après avoir été cinq ou six mois enfermée, elle fut remise en liberté ; mais sa beauté ayant été excessivement flétrie par ses débauches, elle sentit que ses affaires iraient bientôt en décadence. Elle songeait à sortir de Paris, lorsque le hasard lui fit connaître une personne d’un caractère digne d’être associé au sien ; c’était un jeune homme bien fait né à Saint-Omer. Il était sous-diacre, et s’était sauvé des Cordeliers, où il avait fait des vœux monastiques. Il n’avait d’autre talent pour vivre que

  1. Lieutenant de police de Paris.
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