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LE ROSIER


Air :


Toi dans ce lieu, toi dans la porcelaine !
  Que je te plains, joli rosier !
  Cette salle pompeuse est pleine
  D’un monde envieux et grossier
  Qui te souille de son haleine :
  C’est le palais d’un financier.
  Que je te plains, joli rosier- !

Ici naguère apporté du village,
  De l’or tu subis le pouvoir.
  Ce banquier veut qu’à son passage
  Pour lui tu fleurisses ce soir.
  De ton parfum fais-lui l’hommage,
  Comme au Très-Haut fait l’encensoir.
  De l’or tu subis le pouvoir.

Sous ce grand lustre à la flamme irisée,
  Arbuste aimé, tu vas mourir.
  Plaint-il, ce juif, âme blasée,
  Ceux que son faste fait souffrir ?
  Privé d’air pur et de rosée,
  Ah ! n’espère pas l’attendrir.
  Arbuste aimé, tu vas mourir.

Mais près de toi passe un jeune poëte
  Dans ce palais resplendissant ;
  Il courbe aussi sa noble tête
  Devant le riche tout-puissant.
  Des fièvres d’or de cette fête
  Il est saisi rien qu’en passant
  Dans ce palais resplendissant.

Ainsi que toi ce séjour l’empoisonne ;
  Dieu vous rende à son beau soleil !
  Le luxe qui vous environne
  Va flétrir, en un temps pareil-,
  Et sa poétique couronne
  Et ton diadème vermeil.
  Dieu vous rende à son beau soleil !

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