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Dis-moi ce que tu sais… De ta pâleur livide
Que des tempes jamais tes mains n’arracheront,
Et qui semble couler d’une coupe homicide
Que le destin railleur renversa sur ton front ;
De ton sourcil froncé, de l’effort de ton rire,
De ta voix qui nous ment, de ton œil qui se tait,
De tout ce qui nous trompe, hélas ! et qu’on admire,
Ah ! fais-moi jaillir ton secret.

Dis tout ce que tu sais… Rêves, douleur et honte,
Désirs inassouvis par des baisers cuisants,
Nuits, combats, voluptés, souillures qu’on affronte
Dans l’infâme fureur des échevèlements !
Couche qui n’est pas vide et qu’on fuit, ― fatale heure
De la coupable nuit dont même on ne veut plus,
Et qu’on s’en va finir au balcon, où l’on pleure,
Et qui transit les coudes nus !

Ah ! plutôt, ne dis rien ! car je sais tout, Madame.
Je sais que le Bonheur habite de beaux bras !
Mais il ne passe pas toujours des bras dans l’âme…
On donne le bonheur, on ne le reçoit pas !

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