< Page:Bergson - L’Évolution créatrice.djvu
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
46
L'ÉVOLUTION DE LA VIE

invite à l’oublier. Mais la vérité est que la position du

vitalisme est rendue très difficile par le fait qu’il n’y a ni finalité purement interne ni individualité absolument tranchée dans la nature. Les éléments organisés qui entrent dans la composition de l’individu ont eux-mêmes une certaine individualité et revendiqueront chacun leur principe vital, si l’individu doit avoir le sien. Mais, d’autre part, l’individu lui-même n’est pas assez indépendant, pas assez isolé du reste, pour que nous puissions lui accorder un « principe vital » propre. Un organisme tel que celui d’un Vertébré supérieur est le plus individué de tous les organismes : pourtant, si l’on remarque qu’il n’est que le développement d’un ovule qui faisait partie du corps de sa mère et d’un spermatozoïde qui appartenait au corps de son père, que l’œuf (c’est-à-dire l’ovule fécondé) est un véritable trait d’union entre les deux progéniteurs puisqu’il est commun à leurs deux substances, on s’aperçoit que tout organisme individuel, fût-ce celui d’un homme, est un simple bourgeon qui a poussé sur le corps combiné de ses deux parents. Où commence alors, où finit le principe vital de l’individu ? De proche en proche, on reculera jusqu’à ses plus lointains ancêtres ; on le trouvera solidaire de chacun d’eux, solidaire de cette petite masse de gelée protoplasmique qui est sans doute à la racine de l’arbre généalogique de la vie. Faisant corps, dans une certaine mesure, avec cet ancêtre primitif, il est également solidaire de tout

    Cet article est issu de Wikisource. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.