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de penser en homme. Il y avait une beauté, une

excellence dans la convenance des actions avec la nature. Et cette nature était, par elle-même, assez grande, assez puissante, pour conduire l’homme à une perfection qui dépassait singulièrement la perfection des corps, et même celle des esprits bornés aux sciences.

C’est à l’époque où il concevait ainsi la vie humaine, vers 1652-1653, qu’il écrivit ce curieux Discours sur les passions de l’amour, que Victor Cousin a trouvé dans un manuscrit des fonds de l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés.

Cet opuscule n’est-il qu’un jeu d’esprit, ou une gageure de salon, comme il était de mode d’en faire à cette époque, ou un exercice destiné, dans l’intention de Pascal, à montrer qu’il pouvait réussir ailleurs qu’en mathématiques ?

Il se peut qu’il ait été fait sur commande, mais on a peine à ne voir que les inventions d’un bel esprit dans des paroles telles que celles-ci :


Qu’une vie est heureuse quand elle commence par l’amour et qu’elle finit par l’ambition ! Si j’avais à en choisir une, je prendrais celle-là… Les grandes âmes ne sont pas celles qui aiment le plus souvent ; c’est d’un amour violent que je parle ; il faut une inondation pour les ébranler et pour les remplir.


L’auteur d’ailleurs ne semble-t-il pas confesser qu’il puise dans son âme même une bonne partie de ce qu’il dit, lorsqu’il fait cette remarque :


L’on écrit souvent des choses que l’on ne prouve qu’en obligeant tout le monde à faire réflexion sur soi-même et à trouver la vérité dont on parle. C’est en cela que consiste la force des preuves de ce que je dis.

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