tant, écarte un peu son voile, pour s’envelopper
l’instant d’après d’un voile nouveau et différent, et n’avoue une partie de son secret que pour, aussitôt, devenir plus secret.
Dans la brume, on ne se sent jamais ni tout à fait seul, ni en complète sûreté, ni absolument libre, et quand même elle n’est qu’un léger nuage bleu, bouchant le lointain d’une allée, on néglige ce qui est là, pour rêver à ce qu’il y a, là-bas, derrière cette muraille vaporeuse. L’invisible appelle, et semble attendre. Quand on aura franchi l’obstacle impalpable, trouvera-t-on la même perspective que la veille, ou bien autre chose ? Et quoi : aventure heureuse, danger ?… La tentation de découvrir obsède. On se lève, on part, il le faut. Le besoin de voir plus loin va frayer son chemin à la race…
Cette énigme incessamment proposée par la brume, en plaçant loin de lui l’objet de sa curiosité, oblige l’homme à se mettre en marche s’il veut apaiser son désir de savoir. La marche, qui l’emporte vers la connaissance, est bien plus un mouvement d’orgueil et de liberté que les mouvements de préhension au moyen desquels il contente ses appétits, et ses passions matérielles. En marchant, il a l’impression de conquérir le sol qu’il foule, et aussi la joie exaltante de prendre une conscience forte et précise de sa personne physique, car nul exercice ne fixe autant son attention sur le poids, les proportions et les