< Page:Bulteau - L ame des Anglais.pdf
Cette page a été validée par deux contributeurs.

résistances de sa machine. L’habitude de marcher

sans nécessité pratique, et, poussé seulement par un besoin spirituel, associe étroitement l’image musculaire et le sentiment d’espoir qui est au fond de la curiosité. L’immobilité fréquente développe la notion que l’esprit a de lui même ; la fréquence du mouvement développe la notion que l’esprit a du corps. Peu à peu, l’humble image musculaire croît en importance. On s’accoutume à penser son corps avant son esprit quand on dit « moi », et on n’imagine ce « moi » qu’en action. Le vouloir est conçu à peine que déjà on le voit extériorisé en geste ; puis, le geste, confondu d’abord avec le vouloir, en arrive à le précéder. Enfin, pour produire de la pensée, le cerveau exige que le muscle se soit contracté réellement, ou qu’au moins il suggère la possibilité d’une contraction.

On a si souvent pensé qu’on bougeait, que, pour penser, il faut qu’on bouge. Le corps discipline l’esprit, on est devenu un musculaire.

Les Anglais sont des musculaires, on le sait de reste, mais on a tort de croire que ce soit au bœuf rôti, à l’hygiène et au sport qu’ils doivent les précieux avantages et les quelques faiblesses d’un aussi beau tempérament. Ces sports, ce bœuf et cette hygiène sont choses convenables à des musculaires ; ils les ont choisis, elles ne les ont pas faits. Des musculaires, ils l’ont été toujours : parce qu’il leur fallait voir plus loin.

    Cet article est issu de Wikisource. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.