voir cette demoiselle auparavant. Elle se nomme miss Cameron.
— Cameron… Cameron ! » La femme secoua tristement la tête. « Non ! je ne connais pas ce nom-là. Et sa mère, monsieur ?… elle est morte ?
— Non ; sa mère vit encore. »
Une ombre s’étendit sur le visage de la malade ; après un moment de silence, elle dit :
— Mes yeux alors me trompent, monsieur ; et je sens en effet quelquefois que ma tête est malade, et que mes idées s’égarent. Mais la ressemblance était si grande ! et pourtant cette jeune demoiselle est encore plus jolie !
— Les ressemblances sont bien trompeuses et bien capricieuses ; et elles dépendent plus de l’imagination que de la réalité. Quelquefois on découvre, entre deux figures tout à fait différentes, une ressemblance invisible aux autres. Mais à qui miss Cameron ressemble-t-elle ?
— À une personne qui est morte, monsieur ; morte depuis bien des années. Mais c’est une longue histoire qui pèse cruellement à ma conscience. Un jour, si vous voulez bien me le permettre, monsieur, j’allégerai ce fardeau, en vous la racontant.
— Si je puis vous être utile à quelque chose, disposez de moi. Mais n’avez-vous pas d’amis, de parents, d’enfant qu’il Vous serait agréable de voir ?
— Des enfants ! non, monsieur ; je n’ai jamais eu qu’un enfant à moi (elle appuya sur ces derniers mots), et il est mort en pays étranger !
— Et vous n’avez pas d’autres parents ?
— Non, monsieur. Mon histoire est courte et simple. J’ai été élevée avec soin : j’étais fille unique. Mon père était un petit fermier ; il mourut lorsque j’avais seize ans, et j’entrai en service chez une bonne vieille dame. Elle et sa fille me traitèrent plus en compagne qu’en domestique. J’étais alors une jeune fille vaniteuse et étourdie, monsieur. Un jeune homme, fils d’un fermier des alentours, me faisait la cour, et je lui étais fort attachée ; mais nous n’avions d’argent ni l’un ni l’autre, et ses parents refusèrent leur consentement à notre mariage. Je fus assez sotte pour penser que si William m’eût aimée, il aurait dû tout braver pour moi, et sa prudence me froissa de telle sorte que j’épousai un autre homme que je n’aimais point. J’en fus bien punie, car ce dernier me maltraita, et s’adonna à la boisson. Je rentrai en