duite à votre égard. Il faut nous séparer, et pour jamais !
Nous nous sommes vus pour la dernière fois. Il est inutile de me demander pourquoi. Croyez que je suis inconstant, perfide, sans cœur ; que je cède à un caprice, si vous voulez. Ma résolution est inébranlable. Nous ne nous reverrons plus, même comme amis. Je ne vous demande ni de me pardonner, ni de conserver mon souvenir. Regardez-moi comme un homme complètement indigne même de votre ressentiment. Ne pensez pas que j’écrive ceci dans un moment de démence, de fièvre, ou de surexcitation. Ne me jugez pas sur mon apparente indisposition de ce matin, je n’invente ni excuse, ni atténuation pour ma foi violée, pour mes serments trahis. Je vous écris de sang-froid et avec calme : et je vous écris que je renonce à votre amour.
« Ce langage est une froide cruauté, une insulte diabolique, n’est-ce pas, Eveline ? N’êtes-vous pas reconnaissante de m’avoir échappé ? Ne regardez-vous pas le passé en frémissant à la vue du précipice où vous avez failli tomber ?
« Laissons de côté ce sujet, et passons à un autre. Nous sommes séparés, Eveline, et pour jamais. Ne vous imaginez pas, je vous le répète, ne vous imaginez pas qu’il y ait aucune erreur, aucune étrange illusion dans mon esprit, qu’il soit enfin jamais possible de révoquer cette sentence. Il serait peut-être plus facile de faire sortir les morts de leurs tombeaux que de nous rapprocher l’un de l’autre tels que nous étions, tels que nous espérions être. Maintenant que vous êtes convaincue de cette vérité, apprenez, aussitôt que se sera dissipée la première impression douloureuse que vous éprouverez en découvrant combien il y a de méchanceté dans le monde, apprenez, dis-je, à chercher dans l’avenir des liens plus heureux et mieux assortis que ceux que vous auriez formés avec moi. Vous êtes très-jeune ; dans la jeunesse les impressions sont vives, mais passagères ; vous vous étonnerez plus tard de vous être imaginé que vous m’aimiez. Une autre image, plus jeune et plus séduisante, remplacera la mienne. Tel est l’objet de mes désirs et de mes prières. Aussitôt que j’aurai appris que vous aimez une autre personne, que vous êtes mariée à un autre, je reparaîtrai dans le monde ; jusque-là je resterai errant et proscrit. Votre main seule peut effacer de mon front la flétrissure de Caïn ! Lorsque je serai parti, lord Vargrave renouvellera probablement ses propositions de ma-