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  Des bras robustes par milliers
  Pour fabriquer le miel de son aisance
Travaillaient sans relâche, incessants pionniers
  De sa fastueuse existence.
  Autour de lui, le centre du printemps,
  De force tournait tout un monde,
Râpant à son profit, égrénant à la ronde
  Le Temps :
Si qu’à force d’adresse, à chaque tour de roue
De ce monde moulin cran par cran, cran par cran,
Il retirait mouture enrichissant la proue
  De son vaisseau, – chaque jour et chaque an.

  Et vous le laissez solitaire
  Sous une pierre !
  Maintenant que sur le vallon
  Sanglotte l’aquilon ;
Quand des salons bien chauds vous sourit la pensée,
  Et que de fatigue affaissée
Votre âme vous appelle aux grâces du logis
  Pour vous terrestre Paradis !
  Et vous le laissez solitaire
  Sous cette pierre.
  Où dénudés, le plumage en lambeaux
  S’assembleront les noirs corbeaux ;
  Où viendra fouetter sur sa tête
  La tempête !
  Où la souris des champs
  Folâtrera dans tous les sens,
  Et de façon fort deshonnête !
Où la neige étendra le froid de son manteau
  Sur le tombeau :
  Le corbeau noir, la blanche neige
  En effet pourraient-ils savoir
  Que cette pierre est l’abri qui protége
Le sépulcre du mort, et son dernier dortoir ?
  L’ouragan, la pluie et l’orage
  Non plus que la souris sauvage
  De leur dédain
Ne l’épargneront pas ce tombeau, c’est certain !

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