< Page:Colet - Lui, 1880.djvu
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 333 —

— Oh ! oui, repris-je en l’embrassant comme j’aurais embrassé mon fils, je souffre d’ajouter à vos chagrins, moi qui voudrais tant les changer en bonheur.

— Vous avez la persuasion de la bonté, répliqua-t-il, et vous me faites comprendre ma folie. Il est vrai, je ne puis empêcher que vous en aimiez un autre, mais ce que j’aurais pu faire, ce que j’aurais fait à coup sûr si j’étais plus jeune et plus beau, c’est de prendre sa place ; — voyons, voyons, cela n’était-il pas possible ; cet amant n’est pas un mari ; il n’est pas même un amoureux bien vif, puisqu’il vous laisse ainsi dans toutes les langueurs de l’attente ?

Il avait pris tout à coup un ton dégagé en prononçant ces paroles ; il souriait comme à une convoitise.

— Le voulez-vous, chère amie ? essayons un peu de nous aimer, et après, vous me préférerez peut-être à ce terrible absent !

— Non ! m’écriai-je blessée et raffermie par ce changement de langage ; lui seul me plaît et lui seul m’attire.

— Ah ! je comprends, fit-il en se regardant dans la glace, je vous fais l’effet qu’Antonia a produit sur moi à notre dernière rencontre ; mais s’il en est ainsi, pourquoi ne me fuyez-vous pas ? pourquoi m’attirez-vous au contraire et pourquoi pleurez-vous sur moi ?

— C’est qu’il est dans votre génie quelque chose d’éternellement jeune et beau qui, en dehors de l’amour, exerce une séduction puissante et un attrait

19
    Cet article est issu de Wikisource. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.