si mince et si chancelante que, lorsque les grands vents
de l’Océan se levaient tout à coup et la surprenaient sur les galets, elle se ployait comme un saule ; son pâle visage sous l’effort qu’elle faisait alors pour marcher se couvrait d’une rougeur mouvante ; ses cheveux violemment soulevés battaient son corps frêle comme des ailes qui se déploient. L’ouragan semblait vouloir l’emporter au ciel ! Un jour où je l’avais suivie sur les dunes et qu’elle paraissait frémir et prête à se briser sous l’orage qui grondait, je m’approchai d’elle, et, sans lui parler, je tendis mon bras à sa défaillance. Sa main saisit la mienne, et elle me dit sans embarras comme un enfant que rien n’étonne, pas même la mort dont il ignore la terreur :
— Je marche, voyez ! je me ploie et me redresse sans souffrance, et je vivrai deux ans encore ! deux ans, c’est beaucoup, pourquoi s’affliger.
— Je ne vous comprends pas, murmurai-je bien bas, m’imaginant qu’une parole trop vibrante la ferait tomber.
— Ma mère est morte et je mourrai ; le docteur l’a dit hier soir à ma tante, j’étais cachée et je l’ai entendu ; mais il m’a promis deux ans encore et je veux les passer à voyager, à voir toute la terre et à chanter toujours.
En parlant ainsi sa bouche souriait, mais ses yeux semblaient pleurer ; je me demandai si elle était folle ou si dans sa gaieté enfantine elle voulait m’effrayer.