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spectacle qu’il se donne : il y puise des images fantastiques,

poignantes, hardies, et que le premier il a introduites dans la littérature française ; de ces fêtes nocturnes de la débauche, comme des noirs couloirs creusés dans une mine, il retire des pierreries éclatantes ; il est le spectateur plus que le complice de ces turpitudes des riches ; si son corps s’abandonne parfois, son esprit veille à son insu ; il domine cette ivresse factice, la revomit, la stigmatise et en tire en définitive des tableaux de maître ! Gardez-vous de croire que ces hommes, que vous appelez ses compagnons de plaisir, le possèdent : le génie d’Albert est de ceux qui échappent à toute influence ; il a été longtemps l’ami d’un jeune prince : qui donc de nous a jamais pensé qu’il était un courtisan ? Comment en vouloir à sa nature enthousiaste et charmante ? Son inspiration de poëte plane toujours au-dessus de ses folies de jeune homme ; elle les ennoblit, les dépouille pour ainsi dire de leur fange et les change en rayons ; on dirait ces jets de feu qui s’élèvent tout à coup sur un marais !

— Vous êtes un brave ami, s’écria Germiny, et c’est plaisir, René, que d’être défendu et loué par vous ; mais enfin vous conviendrez qu’un poëte est chose sacrée, et que c’est pitié de voir Albert accepter pour amphitryons ces riches parvenus et ces grands seigneurs avinés.

— D’autant plus qu’il n’y a plus de grands seigneurs, pas plus en Angleterre qu’en France, répliqua Duverger, et que ceux qui s’affublent aujourd’hui de

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