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— Merci, répliqua M. Boythorn ; je n’avais pas même besoin de le demander, ayant vu tout de suite combien miss Summerson est attentive pour tous ceux qui l’entourent. Si j’en ai parlé, continua-t-il, c’est qu’arrivant du Lincolnshire, je ne suis pas allé à Londres ; et je pensais que quelques lettres avaient pu m’être envoyées ici ; j’espère que demain matin elles m’annonceront que mon affaire va marcher. »

Je le vis si souvent, pendant le cours de la soirée, contempler Éva et Richard avec un plaisir qui donnait à son visage une expression des plus aimables, tandis qu’assis à quelque distance du piano, il écoutait la musique avec délices, que je demandai à mon tuteur, lorsque nous commençâmes la partie de trictrac, si M. Boythorn était marié.

« Non, me répondit M. Jarndyce.

— Mais il en a eu l’intention ?

— Comment l’avez-vous deviné ? reprit mon tuteur en souriant.

— C’est que, répondis-je, non sans quelque embarras, il y a quelque chose de si affectueux dans ses manières ; il est si aimable, si attentif envers nous, que…

— Vous avez raison, petite femme, répondit mon tuteur, il a été sur le point de se marier, une seule fois ; il y a déjà longtemps.

— La jeune fille est-elle morte ? demandai-je.

— Non… ; mais elle est morte pour lui. Cette circonstance a énormément influé sur sa vie et sur son caractère. Croiriez-vous jamais qu’il a encore le cœur et la tête d’un héros de roman ?

— Cher tuteur, j’étais toute disposée à le deviner, avant même que vous me l’eussiez dit.

— Il n’a jamais été, depuis lors, tout ce qu’il aurait pu être, dit M. Jarndyce ; et le voilà maintenant arrivé à la vieillesse, sans personne auprès de lui qu’un domestique et un oiseau…. C’est à vous de jouer, mon enfant. »

Je compris que nous en étions au point où le vent allait changer si la conversation continuait, et je n’en dis pas davantage.

Il y avait quelques instants que je repensais dans mon lit à cette vieille histoire d’amour, lorsque je fus réveillée par le ronflement sonore de notre hôte ; et je tentai cette chose difficile, de me figurer un vieillard comme il était autrefois, et de le revêtir de toutes les grâces de la jeunesse ; je me rendormis avant d’y être parvenue, et je rêvai du temps où j’étais chez ma marraine. La science des songes m’est trop peu familière pour que

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