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— Autant que je le peux, monsieur, reprit Charley en souriant, parce qu’alors je gagne de l’argent, des pièces de six pence et puis des schellings.

— Est-ce que tu enfermes toujours ton frère et ta sœur quand tu t’en vas ?

— C’est pour les mettre en sûreté, voyez-vous ; mistress Blinder vient de temps en temps, et puis M. Gridley ; j’accours aussi quand je ne suis pas trop loin ; et ils s’amusent tous les deux ; ils n’ont pas peur d’être enfermés, n’est-ce pas, Tom ?

— Non ! dit bravement le petit garçon.

— Quand la nuit vient, on allume les réverbères dans la rue, et la chambre est éclairée, n’est-ce pas, Tom ?

— Oui, Charley, tout éclairée.

— Et Tom est si bon ! ajouta la grande sœur d’un air tout maternel. Quand Emma est fatiguée, il la couche ; et, quand il est fatigué à son tour, il se couche aussi ; et puis, lorsque je rentre, si j’allume la chandelle et que j’apporte de quoi souper, il se relève pour manger avec moi, n’est-ce pas, Tom ?

— Oh ! oui, Charley, » répondit l’enfant qui, tout ému, soit à la pensée du souper, soit de reconnaissance et d’amour pour sa sœur, cacha sa figure dans la jupe de Charley, se mit à rire d’abord et finit par pleurer.

C’était la première larme que l’un de ces enfants eût versée depuis que nous étions près d’eux. Charley avait parlé de son père sans montrer d’émotion, comme si la nécessité de garder son courage, sa vie active et la satisfaction enfantine qu’elle tirait de son importance, lui avaient fait oublier sa douleur. Mais dès que Tom se fut mis à pleurer, bien qu’elle restât immobile et que son visage tourné vers nous conservât tout son calme, je vis deux grosses larmes rouler sur ses joues.

Nous nous approchâmes de la fenêtre, Éva et moi, sous prétexte d’examiner les tuyaux de cheminées, les plantes chétives et les oiseaux du voisinage ; et nous regardions sans voir, quand nous entendîmes la voix de mistress Blinder qui parlait à mon tuteur ; peut-être la pauvre femme avait-elle mis à monter l’escalier tout le temps qui s’était écoulé depuis que nous étions dans le grenier.

« Ce n’est pas grand’chose, allez, monsieur, disait-elle, que de leur faire remise du loyer ; qui est-ce qui aurait le courage de leur prendre leur argent ?

— Bien, bien, nous dit mon tuteur ; le jour viendra où cette excellente femme saura du bon Dieu qu’elle a fait une chose d’autant plus grande qu’elle y attachait moins d’importance.

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