< Page:Dickens - Bleak-House, tome premier.pdf
Cette page a été validée par deux contributeurs.


— Mademoiselle est bien bonne et je suis touchée de sa politesse. Voilà ce qui m’amène : j’ai un désir inexprimable d’entrer au service d’une jeune lady qui soit bonne, aimable et belle comme vous ; ah ! si j’avais l’honneur de vous servir !

— Je regrette vivement… commençai-je.

— Ne me congédiez pas encore, mademoiselle ! et permettez-moi d’espérer, dit-elle en contractant involontairement ses beaux sourcils ; je sais que le service de mademoiselle sera moins brillant que celui que je quitte, et que la vie que j’aurai près d’elle sera beaucoup plus retirée ; c’est ce que je désire. Je n’aurai pas les mêmes gages ; peu importe, je n’en serai pas moins heureuse.

— Je vous assure, lui répondis-je toute confuse à la simple pensée d’avoir une telle servante, je vous assure que je n’ai pas de femme de chambre.

— Ah ! mademoiselle, pourquoi cela, quand vous pourriez en avoir une si dévouée, qui serait si enchantée de vous servir, qui se montrerait si fidèle, si empressée ! Mademoiselle, nu parlez pas d’argent ; prenez-moi telle que je suis et pour rien. »

Elle s’exprimait avec une ardeur si singulière que je reculai presque effrayée ; elle ne parut pas s’en apercevoir et poursuivit ses instances d’une voix contenue, parlant toujours avec une certaine grâce et une grande facilité d’élocution. « Je suis du midi, mademoiselle, d’un pays où l’on est violent et passionné, où l’on aime et où l’on déteste vivement ; milady avait trop de fierté pour moi ; j’en avais trop pour elle ; c’est fini ! prenez-moi pour domestique et je vous servirai bien ; je ferai pour vous plus que vous ne pouvez l’imaginer, mademoiselle… Acceptez mes services ; vous ne vous en repentirez point ; je vous servirai si bien ; oh ! vous ne savez pas comme je vous servirai ! »

Elle écouta sans m’interrompre les explications que je lui donnai relativement à l’impossibilité où je me trouvais de la prendre à mon service (je crus inutile de lui avouer combien j’en avais peu le désir), et pendant tout ce temps-là son visage exprima une sombre énergie qui me fit penser à quelques femmes des rues de Paris sous le règne de la Terreur.

« Ainsi, me dit-elle de sa voix la plus douce quand j’eus fini de parler, je n’ai pas d’autre réponse à attendre ? Je le regrette bien vivement ; j’irai chercher ailleurs ce que je n’ai pas trouvé ici. Voulez-vous me permettre de vous baiser la main ? »

Elle me regarda plus attentivement que jamais, et sembla, en me touchant la main, prendre note des moindres veines qui

    Cet article est issu de Wikisource. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.