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source leur manque ; à monter dans des carrosses d’emprunt, à s’asseoir à une table qui n’est jamais la leur, sans trouver à se marier ni les uns ni les autres ; fractions infimes d’une somme considérable et dont on ne sait plus que faire.

Toutes les notabilités qui partagent les opinions du baronnet sont plus ou moins de sa famille. Depuis milord Boodle jusqu’à Noodle, en passant par le duc de Foodle, sir Leicester étend partout, comme une glorieuse araignée, les fils de son illustre parenté ; mais s’il est fier de ses liens avec les notabilités, il se montre généreux et bon envers les nullités de son vaste cousinage ; et en dépit du froid humide qui pénètre en ce moment à Chesney-Wold, il supporte la visite de plusieurs cousins de cette dernière catégorie avec la constance d’un martyr.

Au premier rang se trouve Volumnia Dedlock, (jeune demoiselle de soixante ans), doublement bien née ; car elle a l’honneur, par sa mère, d’être l’un des parents pauvres d’une autre grande famille. Comme elle a déployé très-jeune un fort joli talent pour les découpures en papier, qu’elle chantait l’espagnol en s’accompagnant de la guitare, et proposait des énigmes et des charades françaises dans les châteaux, elle a passé vingt ans de sa vie, entre vingt et quarante, d’une manière assez agréable. Commençant alors à dater et à ne plus obtenir le moindre succès avec ses chants et sa guitare, elle se retira dans la petite ville de Bath, où depuis cette époque elle vit maigrement d’une petite rente que lui fait sir Leicester, et d’où elle surgit de temps à autre pour apparaître dans les manoirs de ses cousins. À Bath, elle a un cercle de connaissances fort étendu, composé de vieux gentlemen effrayants, aux jambes grêles enfermées dans de larges pantalons de nankin, et occupe une haute position dans cette morne cité ; mais l’indiscret emploi du rouge, qu’elle pousse jusqu’à la profusion, et un collier de perles suranné qui ressemble à un chapelet d’œufs de petits oiseaux, fait ailleurs redouter sa présence.

Dans un pays sainement administré, Volumnia eût été sans aucun doute inscrite au budget, à l’article pensions ; de louables efforts ont été faits pour arriver à ce but ; et, quand William Buffy entra au ministère, on s’attendait bien à lui voir toucher deux cents livres par an ; mais contre toute prévision, William Buffy trouva que le temps n’était pas venu d’accomplir cet acte d’équité, et ce fut le premier indice qui révéla clairement à sir Leicester que le pays marchait à sa ruine.

L’honorable Bob Stables, un autre cousin pauvre, est à Chesney-Wold en même temps que Volumnia ; il possède, pour faire

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