dont les yeux étincelaient ; — et vous seul, très-noble prince, étiez capable de dire un mot si juste ! Pour cela, je vous suis dévoué jusqu’à l’adoration, quelque pourri de vices que je sois ! C’est décidé ! Je vais retrouver le portefeuille tout maintenant, à l’instant même, et pas demain ; tenez, je le tire de ma redingote sous vos yeux, le voilà, voilà aussi tout l’argent ; tenez, prenez-le, très-noble prince, et gardez-le jusqu’à demain. Demain ou après-demain je le reprendrai.
— Mais faites attention, n’allez pas de but en blanc lui jeter au nez que vous avez retrouvé le portefeuille. Qu’il voie seulement que le pan de votre redingote ne contient plus rien, et il comprendra.
— Oui ? Ne vaut-il pas mieux lui dire que je l’ai retrouvé et faire comme si jusqu’alors je ne m’étais douté de rien ?
— N-non, dit le prince en réfléchissant, — n-non, maintenant il est trop tard ; ce serait plus dangereux ; vraiment, vous ferez mieux de ne rien dire. Et soyez gentil avec lui, mais… n’ayez pas trop l’air… et… vous savez….
— Je sais, prince, je sais, c’est-à-dire, je sais que j’aurai bien du mal à exécuter ce programme ; car il faut pour cela avoir un cœur comme le vôtre. D’ailleurs, moi-même je suis vexé : à présent il le prend parfois de trop haut avec moi ; il m’embrasse en sanglotant et puis tout d’un coup il se met à m’humilier, il m’accable de railleries méprisantes ; allons, je prendrai le portefeuille, et j’étalerai exprès le pan de ma redingote sous les yeux du général, hé, hé ! Au revoir, prince, car évidemment je vous dérange, je vous distrais de sentiments très-intéressants, si je puis ainsi parler….
— Mais, pour l’amour de Dieu, silence comme par le passé !
— À la sourdine, à la sourdine !
Quoique l’affaire fût finie, le prince resta plus soucieux peut-être qu’il ne l’avait été auparavant. Il attendit impatiemment l’entrevue qu’il devait avoir le lendemain avec le général.