ensemble, et que le prince vienne avec nous ; vous n’avez pas de raison pour nous fausser compagnie, cher homme ! Il est bien gentil, n’est-ce pas, Aglaé ? N’est-ce pas, maman ? Et puis il faut absolument que je l’embrasse pour… pour son explication de tout à l’heure avec Aglaé. Maman, chère, vous me permettez de l’embrasser ? Aglaé ! permets-moi d’embrasser ton prince !
Sur ce, elle s’approcha vivement de Muichkine et le baisa au front. Il lui saisit la main, la serra presque à faire crier la jeune fille et contempla celle-ci avec une joie infinie ; ensuite par un mouvement rapide il porta cette main à ses lèvres et la baisa trois fois.
— Partons donc ! fit Aglaé. — Prince, vous serez mon cavalier. Cela se peut, maman ? Un cavalier qui ne veut pas de moi ? Vous avez, n’est-ce pas, refusé définitivement ma main, prince ? Mais ce n’est pas ainsi qu’on donne le bras à une dame, est-ce que vous ne savez pas comment on fait ? Là, c’est bien, partons, nous ouvrirons la marche, voulez-vous que nous marchions en avant de tous, tête à tête ?
Elle parlait sans discontinuer, riant encore par saccades.
— Dieu soit loué ! Dieu soit loué ! répéta Élisabeth Prokofievna qui ne savait pas elle-même de quoi elle se réjouissait.
« Ce sont des gens excessivement étranges ! » pensait le prince Chtch…, peut-être pour la centième fois depuis qu’il connaissait les Épantchine, mais… ces gens étranges lui plaisaient. À l’égard du prince Léon Nikolaïévitch, nous n’oserions affirmer qu’il éprouvât le même sentiment ; Chtch… était un peu sombre et paraissait préoccupé lorsqu’on partit pour la promenade.
Eugène Pavlovitch semblait de très-bonne humeur ; pendant toute la route, jusqu’au Waux-Hall, il causa de la façon la plus enjouée avec Alexandra et Adélaïde ; elles riaient si complaisamment de ses bons mots qu’il finit par soupçonner que peut-être elles ne l’écoutaient pas du tout. Cette pensée, sans qu’il s’expliquât pourquoi, le fit soudain rire lui-même de très-bon cœur (tel était son caractère !). Les deux jeunes