portante dans un des hôtels de Paris, exclusivement fréquenté par les étrangers de distinction. L’affaire était scabreuse et exigeait de l’habileté. Un des agents s’habilla en homme élégant, se donna pour un ancien ambassadeur, et son compagnon, vêtu en domestique, se fit passer pour son valet de chambre. Rien ne les démentit pendant un séjour de deux semaines ; l’un était d’une fierté bienveillante et recevait de l’Excellence sans sourciller, comme un homme rompu à toutes les grandeurs de la terre ; l’autre, humble, compassé, parlait volontiers de son « bon maître » et faisait son service dans la perfection. Une fois la mission terminée à leur plus grande gloire, ils retournèrent à leur poste ; mais le grand seigneur s’était si bien identifié à son personnage que, s’entendant tutoyer par son domestique redevenu son égal et son collègue, il se retourna, saisi d’une indignation réelle, et s’écria : « Qu’est-ce à dire ? et d’où vient un tel excès de familiarité ? »
Lorsqu’un agent reçoit un ordre, on s’en rapporte à lui pour l’exécution ; il doit trouver dans les ressources de son esprit les moyens de réussir, inventer les prétextes qui lui permettront d’entamer une conversation dont il pourra tirer parti, qui lui faciliteront l’accès d’une maison close, qui lui donneront la possibilité d’isoler un malfaiteur entouré d’amis, qui l’empêcheront de s’exposer à un danger inutile. Il faut une fertilité d’imagination sans pareille. Du reste, les filous semblent les aider ; malgré la finesse et les roueries que l’on se plait trop gratuitement à prêter aux voleurs, ils sont en général d’une bêtise peu croyable. Ils ressemblent presque tous à l’autruche, qui, la tête cachée sous une feuille, s’imagine qu’elle n’est pas vue parce qu’elle ne voit pas. Il suffit parfois de faire dire à un malfaiteur qu’il est attendu chez un marchand de vins pour qu’il s’y rende immédiatement. Au mois de juin 1869,