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Depuis cet instant, Si Abderrahmane connut les joies et les affres de l’amour.

Tout son empire sur lui-même, toute sa ferme raison l’abandonnèrent. Il se sentit plus faible qu’un enfant.

Désormais, il attendit fébrilement le soir pour revoir Lalia : il avait surpris son nom.

Enfin, un jour, il ne put résister au désir de lui parler, et il lui demanda à boire, presque humblement.

Gravement, détournant la tête, Lalia tendit sa cruche au taleb (lettré).

Puis, comme Si Abderrahmane était beau, et que, tous les soirs, il adressait la parole à la jeune fille, celle-ci s’enhardit, lui souriant dès qu’elle l’apercevait.

Il sut qu’elle était la fille de pauvres khammès, qu’elle était promise à un cordonnier de la ville et qu’elle ne viendrait bientôt plus à l’aiguade, parce que sa plus jeune sœur, Aïcha, serait guérie d’une plaie qui la retenait au lit et que ce serait à elle, non encore nubile, de sortir.

Un soir, comme les regards et les rires de ses compagnes faisaient rougir Lalia, elle dit tout bas à Si Abderrahmane : « Viens quand la nuit sera tombée, dans le Sahel, sur la route de Sidi-Merouane. » Malgré tous les efforts de sa volonté et les reproches de sa conscience, Si Abderrahmane descendit dans la vallée, dès que la nuit fut.

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