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hausser les épaules, en le regardant fixement de ses jolis yeux de vice, d’un air de souriant mépris.

Alors, Jory causa de la bande. Pourquoi donc Claude n’était-il pas venu, l’autre jeudi, chez Sandoz ? On ne le voyait plus, Dubuche l’accusait d’être entretenu par une actrice. Oh ! il y avait eu un attrapage entre Fagerolles et Mahoudeau, à propos de l’habit noir en sculpture ! Gagnière, le dimanche d’auparavant, était sorti d’une audition de Wagner, avec un œil en compote. Lui, Jory, avait manqué d’avoir un duel, au café Baudequin, pour un de ses derniers articles du Tambour. C’est qu’il les menait raides, les peintres de quatre sous, les réputations volées ! La campagne contre le jury du Salon faisait un vacarme du diable, il ne resterait pas un morceau de ses gabelous de l’idéal, qui empêcheraient la nature d’entrer.

Claude l’écoutait, dans une impatience irritée. Il avait repris sa palette, il piétinait devant son tableau. L’autre finit par comprendre.

— Tu désires travailler, nous te laissons.

Irma continuait à regarder le peintre, avec son vague sourire, étonnée de la bêtise de ce nigaud qui ne voulait pas d’elle, tourmentée maintenant du caprice de l’avoir, malgré lui. C’était laid, son atelier, et lui-même n’avait rien de beau ; mais pourquoi posait-il pour la vertu ? Elle le plaisanta un instant, fine, intelligente, portant déjà sa fortune, dans le débraillé de sa jeunesse. Et, à la porte, elle s’offrit une dernière fois, en lui chauffant la main d’une pression longue et enveloppante.

— Quand vous voudrez. 

Ils étaient partis, et Claude dut aller écarter le paravent ; car, derrière, Christine restait au bord du lit, comme sans force pour se lever. Elle ne parla pas

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