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aux camarades. C’était un seul châssis, une pauvre petite salle de Musée, qu’il avait envoyée par hâte ambitieuse, en dehors des usages, et contre la volonté de son patron, qui pourtant la lui avait fait recevoir, se croyant engagé d’honneur.

— Est-ce que c’est pour loger les tableaux de l’école du plein air, ton Musée ? demanda Fagerolles sans rire.

Gagnière admirait, d’un branle de la tête, en songeant à autre chose ; tandis que Claude et Sandoz, par amitié, examinaient et s’intéressaient sincèrement.

— Eh ! ce n’est pas mal, mon vieux, dit le premier. Les ornements sont encore d’une tradition joliment bâtarde… N’importe, ça va !  

Jory, impatient, finit par l’interrompre.

— Ah ! filons, voulez-vous ? Moi, je m’enrhume. 

La bande reprit sa marche. Mais le pis était que, pour couper au plus court, il leur fallait traverser tout le Salon officiel ; et ils s’y résignèrent, malgré le serment qu’ils avaient fait de n’y pas mettre les pieds, par protestation. Fendant la foule, avançant avec raideur, ils suivirent l’enfilade des salles, en jetant à droite et à gauche des regards indignés. Ce n’était plus le gai scandale de leur Salon à eux, les tons clairs, la lumière exagérée du soleil. Des cadres d’or pleins d’ombre se succédaient, des choses gourmées et noires, des nudités d’atelier jaunissant sous des jours de cave, toute la défroque classique, l’histoire, le genre, le paysage, trempés ensemble au fond du même cambouis de la convention. Une médiocrité uniforme suintait des œuvres, la salissure boueuse du ton qui les caractérisait, dans cette bonne tenue d’un art au sang pauvre et dégénéré.

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