soleil oblique enfilait les Champs-Élysées ; et tout flambait, les queues serrées des équipages, les feuillages neufs des arbres, les gerbes des bassins qui jaillissaient et s’envolaient en une poussière d’or. D’un pas de flânerie, ils descendirent, hésitèrent, s’échouèrent enfin dans un petit café, le Pavillon de la Concorde, à gauche, avant la place. La salle était si étroite, qu’ils s’attablèrent au bord de la contre-allée, malgré le froid tombant de la voûte des feuilles, déjà touffue et noire. Mais, après les quatre rangées de marronniers, au delà de cette bande d’ombre verdâtre, ils avaient devant eux la chaussée ensoleillée de l’avenue, ils y voyaient passer Paris à travers une gloire, les voitures aux roues rayonnantes comme des astres, les grands omnibus jaunes plus dorés que des chars de triomphe, des cavaliers dont les montures semblaient jeter des étincelles, des piétons qui se transfiguraient et resplendissaient dans la lumière.
Et, durant près de trois heures, en face de sa chope restée pleine, Claude parla, discuta, dans une fièvre croissante, le corps brisé, la tête grosse de toute la peinture qu’il venait de voir. C’était, avec les camarades, l’habituelle sortie du Salon, que, cette année-là, passionnait davantage encore la mesure libérale de l’Empereur : un flot montant de théories, une griserie d’opinions extrêmes qui rendait les langues pâteuses, toute la passion de l’art dont brûlait leur jeunesse.
— Eh bien, quoi ? criait-il, le public rit, il faut faire l’éducation du public… Au fond, c’est une victoire. Enlevez deux cents toiles grotesques, et notre Salon enfonce le leur. Nous avons la bravoure et l’audace, nous sommes l’avenir… Oui, oui, on verra plus tard, nous le tuerons, leur Salon. Nous y entrerons en conquérants, à coups de chefs-d’œuvre… Ris