neuf heures, ils étaient au lit, dans le vieux lit de noyer, vaste à y loger une famille, et où ils faisaient leurs douze heures, jouant dès l’aube à se jeter les oreillers, puis se rendormant, leurs bras à leurs cous.
Chaque nuit, Christine disait :
— Maintenant, mon chéri, tu vas me promettre une chose : c’est que tu travailleras demain.
— Oui, demain, je te le jure.
— Et tu sais, je me fâche, cette fois… Est-ce que c’est moi qui t’empêche ?
— Toi, quelle idée !… Puisque je suis venu pour travailler, que diable ! Demain, tu verras.
Le lendemain, ils repartaient en canot ; elle-même le regardait avec un sourire gêné, quand elle le voyait n’emporter ni toile ni couleurs ; puis, elle l’embrassait en riant, fière de sa puissance, touchée de ce continuel sacrifice qu’il lui faisait. Et c’étaient de nouvelles remontrances attendries : demain, oh ! demain, elle l’attacherait plutôt devant sa toile !
Claude, cependant, fit quelques tentatives de travail. Il commença une étude du coteau de Jeufosse, avec la Seine au premier plan ; mais, dans l’île où il s’était installé, Christine le suivait, s’allongeait sur l’herbe près de lui, les lèvres entr’ouvertes, les yeux noyés au fond du bleu ; et elle était si désirable dans ces verdures, dans ce désert où seules passaient les voix murmurantes de l’eau, qu’il lâchait sa palette à chaque minute, couché près d’elle, tous les deux anéantis et bercés par la terre. Une autre fois, au-dessus de Bennecourt, une vieille ferme le séduisit, abritée de pommiers antiques, qui avaient grandi comme des chênes. Deux jours de suite, il y vint ; seulement,