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autres furent perdues encore, dans le trouble que l’accident occasionnait, d’un bout à l’autre de la ligne ; si bien qu’on était entré en gare avec quatre heures de retard, à une heure du matin seulement.

— Pas de chance ! interrompit Claude, toujours incrédule, combattu pourtant, surpris de la façon aisée dont s’arrangeaient les complications de cette histoire. Et, naturellement, personne ne vous attendait plus ?

En effet, Christine n’avait pas trouvé la femme de chambre de madame Vanzade, qui sans doute s’était lassée. Et elle disait son émoi dans la gare de Lyon, cette grande halle inconnue, noire, vide, bientôt déserte, à cette heure avancée de la nuit. D’abord, elle n’avait point osé prendre une voiture, se promenant avec son petit sac, espérant que quelqu’un viendrait. Puis, elle s’était décidée, mais trop tard, car il n’y avait plus là qu’un cocher très sale, empestant le vin, qui rôdait autour d’elle, en s’offrant d’un air goguenard.

— Oui, un rouleur, reprit Claude, intéressé maintenant, comme s’il eût assisté à la réalisation d’un conte bleu. Et vous êtes montée dans sa voiture ?

Les yeux au plafond, Christine continua, sans quitter la pose :

— C’est lui qui m’a forcée. Il m’appelait sa petite, il me faisait peur… Quand il a su que j’allais à Passy, il s’est fâché, il a fouetté son cheval si fort, que j’ai dû me cramponner aux portières. Puis, je me suis rassurée un peu, le fiacre roulait doucement dans des rues éclairées, je voyais du monde sur les trottoirs. Enfin, j’ai reconnu la Seine. Je ne suis jamais venue à Paris, mais j’avais regardé un plan… Et je pensais qu’il filerait tout le long des quais, lorsque

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