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le regarda qui se rapetissait au milieu des cultures, avec la soie luisante de son chapeau et la tache noire de sa redingote. Il rentra lentement, le cœur gros d’une tristesse sans cause. Il ne dit rien à sa femme de cette rencontre.

Huit jours plus tard, Christine était allée chez les Faucheur acheter une livre de vermicelle, et elle s’attardait au retour, elle causait avec une voisine, son enfant au bras, lorsqu’un monsieur, qui descendait du bac, s’approcha et lui demanda :

— Monsieur Claude Lantier ? c’est par ici, n’est-ce pas ?  

Elle resta saisie, elle répondit simplement :

— Oui, monsieur. Si vous voulez bien me suivre… 

Pendant une centaine de mètres, ils marchèrent côte à côte. L’étranger, qui semblait la connaître, l’avait regardée avec un bon sourire ; mais, comme elle hâtait le pas, cachant son trouble sous un air grave, il se taisait. Elle ouvrit la porte, elle l’introduisit dans la salle, en disant :

— Claude, une visite pour toi. 

Il y eut une grande exclamation, les deux hommes étaient déjà dans les bras l’un de l’autre.

— Ah ! mon vieux Pierre, ah ! que tu es gentil d’être venu !… Et Dubuche ?

— Au dernier moment, une affaire l’a retenu, et il m’a envoyé une dépêche pour que je parte sans lui.

— Bon ! je m’y attendais un peu… Mais te voilà, toi ! Ah ! tonnerre de Dieu, que je suis content !

Et, se tournant vers Christine, qui souriait, gagnée par la joie :

— C’est vrai, je ne t’ai pas conté. J’ai rencontré l’autre jour Dubuche, qui se rendait là-haut, à la propriété de ces monstres…

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